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s’élève contre ces doctrines, comme la doctrine du bonheur, qui « [étendent] la matière de la vie morale hors de ses véritables limites ». Et peut-être y aurait-il lieu de l’approuver lorsqu’il représente qu’une doctrine qui ne permet pas de limiter suffisamment l’objet du devoir « en diminue la force obligatoire, lui ôte en quelque sorte de sa solidité, de sa densité »[1] ; peut-être, sans rejeter une pareille doctrine, y aurait-il lieu de restreindre l’application de son principe fondamental, de ne faire porter l’effort moral que sur un certain nombre de points bien définis, précisément pour qu’il soit plus efficace. Mais cette considération toute « pratique » n’est pas tout ce qui détermine M. Pillon à parler comme on a vu.

La conception d’une morale dont l’objet serait limité, qui laisserait en dehors d’elle une grande partie de notre activité, cette conception procède de l’influence si grande qu’ont eue pendant tant de siècles et qu’ont encore sur les hommes la morale purement traditionnelle et la morale religieuse. Mais si elle est facilement explicable, elle ne saurait aucunement être défendue. Si la morale — je parle de la morale rationnelle, qui est la vraie morale — naît du besoin rationnel qui a été étudié au chapitre précédent, cette morale régira toute notre conduite ; car on n’aperçoit pas pourquoi certaines de nos actions échapperaient au contrôle de la raison.

Si les philosophes sont nombreux qui n’ont pas

  1. La morale inductive et le principe d’utilité (Année philosophique, année 1867 ; voir p. 243).