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de sa croyance, les divergences entre les hommes s’atténueraient », qu’ « il ne subsisterait entre eux que les irréductibles oppositions des tempéraments, des vocations morales », que les différences les plus notables portent non sur les fins, mais sur les moyens d’action[1]. Mais de telles différences ne laissent pas d’être très importantes.

La morale que je viens d’exposer, si on la considère dans ses caractères les plus apparents, dans ceux qui lui donnent son originalité et sur lesquels l’auteur insiste le plus, est une morale du sentiment, pour employer une expression qui a cours, ou si l’on veut encore une morale de la foi. La croyance morale de M. Rauh, lorsqu’elle résiste à l’épreuve de l’expérience, lorsqu’elle s’affirme dans cette expérience, n’a pas besoin de justification ; ce serait en méconnaître la nature, et même la détruire, que de chercher à la « fonder ». La croyance morale est analogue à la foi religieuse ; elle n’y est point identique, car les objets de l’une et de l’autre sont différents ; et c’est l’erreur de la foi religieuse, d’après M. Rauh, — erreur à laquelle rien ne correspondrait dans la croyance morale — de vouloir prouver par des preuves tirées du cœur des faits qui relèvent seulement d’une critique objective[2] ; mais elles ont ceci de commun que ni l’une ni l’autre n’ont besoin de raisons. C’est ce qui permet de dire que la morale de M. Rauh, pour autant qu’on la prend dans ce qu’elle a de spécifique, est tout le contraire d’une morale ra-

  1. P. 191 (chap. 7) ; p. 220 (chap. 9).
  2. P. 3, note (chap. 1).