pour renverser cette « morale de la métaphysique réaliste » que Guyau combat, de montrer directement que l’adoption de telle ou telle métaphysique ne saurait exercer aucune influence sur le choix du principe moral suprême ?
Mais quoi, Guyau lui-même, dans un autre passage, abonde dans ce sens. Il fait, en effet, des croyances métaphysiques des sortes de projections des croyances morales. « Si nos actions sont conformes à nos pensées, écrit-il, on peut dire aussi que nos pensées correspondent exactement à l’expansion de notre activité »[1] ; nous créons nous-mêmes les raisons métaphysiques de nos actes, nous concevons l’inconnaissable, le fond des choses, sur l’image des actes que nous voulons accomplir, donnant ainsi à ces actes, qui sans cela resteraient suspendus en l’air, « une racine dans le monde de la pensée »[2]. Mais si cette vue est juste, n’apparaît-il pas que la morale n’est nullement subordonnée à la métaphysique ?
Les mêmes erreurs — et la même contradiction — que l’on relève chez Guyau se retrouvent chez M. Fouillée. Celui-ci, parlant de la doctrine de Kant, demandera si les règles pratiques peuvent exister sans un « savoir constitutif », c’est-à-dire sans la certitude « d’un monde transcendant et [de] notre pouvoir de réaliser ce monde par nos actions » ; en l’absence de cette certitude, il affirmera que le devoir n’est pas un commandement apodictiquement démontré, qu’il est un problème[3].