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tation. Attachons-nous donc à l’argumentation des adversaires que je combats, et examinons ce qu’ils ont avancé, touchant la morale et les sciences normatives.

Considérant ce point avec attention, on s’apercevra que dans ces branches du savoir humain qu’on a appelées des sciences normatives une distinction importante est à faire, que la morale est quelque chose de très différent de la médecine ou de l’agronomie. L’agronome, par exemple, cherche à obtenir sur une terre certaine le plus fort rendement possible ; c’est là une fin qu’il se donne, et on peut dire qu’il se la donne arbitrairement ; pour réaliser cette fin, l’agronome utilise les connaissances qu’il a en physiologie végétale, en géologie, en météorologie. Ici donc la distinction établie par M. Lévy-Bruhl entre la connaissance théorique et les applications pratiques se vérifie parfaitement. Mais tandis que l’agronome vise un but que l’on suppose donné, le moraliste doit d’abord, d’une certaine façon, déterminer un but pour l’activité de l’homme ; c’est là sa première tâche, qui est en un sens la plus importante. Le but, la fin suprême de l’activité une fois déterminés, alors il restera au moraliste à faire ce que fait de son côté l’agronome : il lui faudra rechercher quels moyens il y a lieu d’employer pour obtenir la réalisation la plus complète possible de la fin choisie, et il déterminera ces moyens en utilisant la connaissance qu’il aura de la physiologie, de la psychologie, de la sociologie — on peut dire de toutes les sciences —.

Le nœud de la question, c’est de savoir si le choix du principe suprême de la conduite ne sera pas nécessairement arbitraire. M. Simmel, M. Lévy-Bruhl,