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besoin d’unification et de systématisation inhérent à la raison, tend plus encore à déterminer des principes à l’aide desquels puissent être tranchés les litiges aux quels les textes écrits ne donnent pas une solution certaine[1]. On aperçoit encore tout de suite que la différenciation croissante des membres d’une société, que l’établissement de relations entre cette société et d’autres sociétés détruiront peu à peu l’autorité de la tradition, provoqueront la réflexion individuelle, modifieront et le contenu et le fondement subjectif de la moralité.

Toutefois, on notera que la complication de la vie, la différenciation des individus ne sont ici que des conditions : elles rendent possible cette évolution de la morale que j’ai décrite, elles ne l’opèrent pas elles-mêmes ; c’est la réflexion, c’est la raison des individus qui substitue peu à peu aux croyances morales reçues une morale nouvelle, expression des besoins les plus hauts, et en un sens les plus profonds de la personne. Et c’est pourquoi il est permis de croire que l’origine de la moralité rationnelle est historiquement très ancienne ; c’est pourquoi cette moralité se montre même chez des êtres dont le développement psychique, d’une manière générale, est demeuré rudimentaire. On lira avec profit, à ce sujet, les observations que M. T. Mann Jones a faites sur des animaux, et que Spencer a relatées[2] ; chez les chiens déjà, à ce qu’il semble, l’oppo-

  1. L’absence de solution certaine ne tient pas toujours à ce qu’il y a plusieurs textes s’appliquant au litige pendant ; elle peut tenir encore et elle tient peut-être plus souvent à ce que ce litige n’est prévu par aucun texte d’une manière expresse.
  2. Voir dans Justice l’appendice D (trad. fr., Paris, Alcan, 1893).