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d’actions — c’est cela même sur quoi doit se fonder l’appréciation morale — ne sera jamais le même dans deux cas distincts.

Même en négligeant cette dernière remarque, même en admettant, contrairement à ce qui est, que la morale n’ait à distinguer qu’entre des actions bonnes et des actions mauvaises, même ainsi il n’y aura pas de lois pratiques spéciales qui soient universelles. Et il n’y aura pas non plus de principes politiques universels ou absolus, la politique n’étant, comme il sera montré bientôt, qu’une branche de la morale[1]. Les lois morales spéciales, les principes politiques que l’on se plaît à énoncer ne s’appliqueront jamais convenablement à tous les cas concrets qu’ils prétendront régir : on ne pourra jamais se fonder sur eux pour trancher les cas qui se présenteront sans avoir fait de ceux-ci un examen particulier.

Si les règles morales sont loin d’être vraiment universelles, ainsi qu’on le conçoit d’ordinaire, si l’appréciation exacte d’une action ne peut être obtenue que par une considération singulière de cette action, il existe cependant plusieurs raisons pour lesquelles il convient de travailler à déterminer des règles morales spéciales et de s’y tenir très étroitement.

En premier lieu, la détermination de règles pratiques — qui sans doute ne seront justes que dans la plupart des cas — simplifie la recherche de la vérité morale. Les règles résument l’expérience acquise ; elles nous

  1. J’ai combattu la notion de principes politiques absolus dans mon article sur La superstition des principes.