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Il n’y a pas lieu de discuter la conception traditionnelle de la morale en tant que traditionnelle : peu importe que la conscience collective des sociétés ait formulé d’abord des prescriptions spéciales ; il suffit, pour ne pas se laisser influencer par ce fait, de savoir que la morale rationnelle est autre chose que la morale vulgaire. Il n’est pas inutile, en revanche, de discuter l’analogie qu’on crée entre la morale et la science.

On sait que la science a pour tâche d’expliquer les phénomènes, en d’autres termes, de les ramener à l’unité. Pour procéder à cette unification de la réalité, qui ne pourra être que progressive, la science isole, abstrait dans la réalité des éléments : c’est par là, c’est par les liaisons qu’elle établit entre ces éléments ainsi abstraits qu’elle arrive à formuler des lois ; l’abstraction est la condition de la généralisation. Et tout de suite il faut remarquer que ces deux opérations — on s’en rend compte de mieux en mieux — ne sont pas d’une légitimité parfaite : les lois physiques ne sauraient jamais exprimer d’une manière adéquate une réalité qui est toujours infiniment complexe. Tout ce que l’on peut dire, c’est que ces opérations sont légitimes dans une certaine mesure, dans la mesure où, comme on voit qu’il arrive, elles nous mettent à même de prévoir l’avenir.

Passons à la morale. Celle-ci doit déterminer d’abord un principe suprême de conduite — c’est, admettons,


    Wurndt ajoute (p. 547) que lorsque deux devoirs sont en conflit, l’un des deux doit céder le pas à l’autre ; les forces physiques au contraire se composent. Cette observation ne paraît pas très juste : il peut arriver que deux lois physiques ne se composent pas ensemble ; et l’on conçoit d’autre part que, deux devoirs étant en conflit, on puisse trouver le moyen de les concilier, de satisfaire — dans une certaine mesure — à l’un et à l’autre.