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au mot nature son sens le plus large — à supprimer la moralité. Si le principe de la vie agit partout et toujours, comme Guyau paraît l’entendre, à quoi bon une morale ? Nous n’aurons qu’à suivre la nature, je veux dire à nous laisser conduire par les forces de toutes sortes qui s’agitent en nous : et alors il n’y aura plus de morale du tout. Que si vous prétendez établir vraiment une morale, je veux dire nous proposer un idéal, nous inviter à résister à certaines impulsions, à céder à d’autres, alors votre vie ne sera plus le principe universel dont vous parliez.

En fait Guyau, dans l’application de son principe, est contraint de recourir à des considérations étrangères à ce principe, et qui le plus souvent sont utilitaires. Lorsqu’il veut nous faire passer de l’égoïsme à l’altruisme, il nous montrera que la vie la plus intense, c’est celle de l’individu dont l’activité déborde sur ses semblables ; mais en nous le montrant il mettra surtout en lumière l’accroissement de félicité que nous obtenons par l’exercice de l’activité désintéressée et altruiste[1]. C’est qu’en effet, comme Guyau le sait, comme il le dit expressément, le plaisir est le « principe de la conscience »[2] ; et seuls les « principes de la conscience » peuvent devenir des principes moraux : c’est tomber dans une grave erreur que de vouloir, avec Guyau[3], remplacer dans la morale le point de vue de la finalité par celui de la causalité efficiente.

  1. Voir I, passim.
  2. I, 1, p.91.
  3. Conclusion, p. 247.