Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tions métaphysiques, on se persuadera qu’une telle interprétation est fausse, et que le bien où Nietzsche tend n’est un bien que par rapport aux hommes.

Qu’est-ce donc que ce bien ? Ce semble être, si on s’en tient à une interprétation littérale des textes, la force, la puissance. Mais il est permis de croire que dans cette puissance qu’il exalte tant, Nietzsche voit l’instrument à l’aide duquel l’homme peut satisfaire ses désirs, élargir sa vie, accroître, en définitive, son bonheur, et en même temps une source inépuisable d’orgueilleuses jouissances. Nietzsche a beaucoup raillé l’utilitarisme, entendant par ce mot cette conception « anglaise » du bonheur qui ne connaît pas autre chose que « le confort et la fashion »[1]. L’idée qu’il se fait lui-même du bonheur est plus compréhensive, plus riche. À la condition que l’on fasse entrer dans la notion du bonheur ces éléments qu’il a mis en valeur, à la condition, aussi, que l’on admette que dans le calcul de l’utilité les possibilités lointaines doivent tenir une grande place, ce n’est sans doute pas être infidèle à la pensée de Nietzsche que de voir en lui un utilitaire.

Tout en se posant en adversaire de l’utilitarisme, Nietzsche, à ce qu’il semble, ne fait que rectifier la doctrine utilitaire courante. Quelque chose d’analogue peut être dit de M. Durkheim.

Que M. Durkheim ait une morale, c’est ce qui ne saurait être mis en doute. S’il se propose avant tout d’étudier la réalité, M. Durkheim ne renonce pas

  1. Par delà le bien et le mal, § 228.