Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le problème moral n’existe pas ; ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, quand il dit que les questions débattues entre les classes sociales sont des questions de puissance, et nullement de droit[1].

Au vrai, si Nietzsche s’affirme immoraliste, c’est parce qu’il est l’ennemi déclaré de cette morale traditionnelle qui a cours aujourd’hui, et dont il lui semble que toutes les morales philosophiques sont comme imprégnées. Son intention est de s’élever contre cette « solennelle présence », contre cette « omniprésence de commandements moraux qui ne permettent même pas à la question individuelle du pourquoi et du comment de se poser ». Il rejette la « loi morale » : c’est que cette loi morale, jusqu’à lui, « devait être placée au-dessus de notre gré » ; c’est que « proprement on ne voulait pas se donner cette loi, on voulait la prendre quelque part, la découvrir, se laisser commander par elle de quelque part »[2].

Mais Nietzsche, si on le lit attentivement, montre assez, et il déclare même expressément qu’il a une morale : « je ne nie pas, dit-il, ainsi qu’il va de soi en admettant que je ne sois pas insensé, qu’il faut éviter et combattre beaucoup d’actions que l’on dit immorales, de même qu’il faut exécuter et encourager beaucoup de celles que l’on dit morales ; mais je crois qu’il faut faire l’une et l’autre chose pour d’autres raisons qu’on l’a fait jusqu’à présent »[3]. Il se donne pour objet de « recommander un but à l’humanité »[4]. Il raille

  1. Humain, trop humain, I, § 446.
  2. Aurore, §§ 107, 108.
  3. § 103.
  4. § 108.