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veuillent. Elle signifie donc : il est raisonnable de vouloir ce que tous les hommes raisonnables voudront. Et ainsi ce n’est qu’une tautologie. De cette tautologie, il faut à tout prix que Kant sorte, pour que sa loi morale soit susceptible de recevoir des applications. Il introduira donc dans sa doctrine — sans s’en apercevoir toujours — des idées qui n’y étaient pas tout d’abord. C’est ainsi qu’il dira entre autres choses : il est raisonnable de vouloir ce que l’on conçoit sans contradiction que tous les hommes puissent vouloir. Et cette formule qui, elle non plus, à voir les choses comme elles sont, ne comporte pas d’application, il semble bien que Kant parfois lui donne ce sens : il est raisonnable de vouloir ce que tous les hommes peuvent vouloir sans conflit.

Je ne critiquerai pas longuement ces idées de Smith et de Kant. Je me bornerai à noter qu’elles ne se déduisent pas rigoureusement de la vérité — certaine celle-là — sur laquelle on voudra sans doute les fonder. Ce qui est vrai, c’est que la volonté raisonnable n’est pas autre chez celui-ci que chez celui-là. Mais le caractère universel de la volonté raisonnable, l’accord des raisons des différents individus ne nous fonde nullement à réclamer cet unisson des sensibilités dont nous parle Smith : si telles lois psychologiques font que mon prochain peut s’associer pleinement par sympathie à tel plaisir que je goûte, et qu’il ne peut s’associer que partiellement à tel autre plaisir, en quoi cela me conduira-t-il à approuver le premier plaisir et à condamner — au moins partiellement — le second ? On n’a nullement démontré — et manifestement il est impossible de démontrer — que l’accord des sensibi-