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vu quelque chose d’analogue à propos de la doctrine qui nous invite à fortifier la liberté en nous et chez notre prochain : la liberté est la condition de l’activité morale ; on en faisait tout naturellement la fin de cette activité. C’est un raisonnement du même genre que l’on tient ici : la vie morale est la vie conduite par la raison ; mais cette raison a une fonction spéculative — qui nous est plus familière, peut-être, que sa fonction pratique, et dont les rapports d’ailleurs sont étroits avec cette dernière — ; on sera amené par là à identifier — tout au moins partiellement — la moralité, le bien, avec l’exercice de la fonction spéculative de la raison. Et l’on s’indignera contre les téméraires qui se refusent à adorer la science un peu comme on s’indigne contre les criminels et les impies[1].

En réalité, le savoir n’a pas son prix en lui-même. Dira-t-on qu’il y a une connaissance dont l’acquisition apparaît immédiatement comme exigée par la morale : la connaissance du principe moral ? dira-t-on que nous devons chercher la vérité sur ce point par cela seul qu’il y a un problème moral, et que nous ne pouvons pas l’éluder ? Mais l’étude du problème moral ne sera pas bonne si — comme il n’est pas inconcevable qu’il arrive — de l’étude que nous en ferons il doit résulter une diminution du bonheur général. À plus forte raison ne pourra-t-on pas dire qu’il est de notre devoir d’acquérir toutes les connaissances qui peuvent nous aider à appliquer le principe moral aux circonstances diverses de la vie. Cette conception nous conduirait à

  1. Qu’on voie par exemple certaine appréciation de M. Natorp sur Nietzsche (À la mémoire de Kant, Revue de métaphysique, 1904, pp. 291-292).