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exemple, ou le tyrannicide ? ce sont toujours des arguments utilitaires que l’on invoque de part et d’autre. L’utilité a donné naissance à la justice : c’est par elle seulement que peuvent s’expliquer les lois de la propriété ; et l’on voit que l’application des règles de la justice est suspendue dans les cas de nécessité. C’est l’utilité, encore, qui a donné naissance aux préceptes courants sur la chasteté, à la prohibition de l’inceste. L’unique réserve que l’on doive faire à la thèse de l’origine utilitaire des idées morales, c’est que parfois à l’utilité vient s’ajouter une induction bizarre et capricieuse, analogue à celle des jurisconsultes[1].

La thèse de Hume a trouvé des partisans nombreux. Pour Stuart Mill, « si [les] croyances morales ont atteint un certain degré de consistance ou de stabilité, [c’est] grâce à l’influence tacite d’un principe non reconnu ouvertement », lequel n’est autre que le principe utilitaire[2].

Aujourd’hui sans doute nous voyons que l’opinion de Hume et de Mill est vivement combattue. M. Durkheim entre autres a déployé une grande ingéniosité pour prouver que l’utilité est très rarement à l’origine des croyances morales. Sa critique toute fois, si elle est fondée en partie, paraît aussi contenir beaucoup d’exagération. M. Durkheim veut que tous les sentiments forts des hommes des communautés primitives aient été revêtus du caractère de l’obligation. Mais parmi ces sentiments forts n’y en avait-il pas beaucoup qui procédaient d’une intuition plus ou moins

  1. Voir dans les Recherches, 2, 3, 4, passim.
  2. Utilitarisme, I, pp. 5-6.