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notre volonté ait une matière ; mais il affirme que la volonté sera bonne si la matière est soumise à la forme régulatrice de l’universalité : la nature, par l’application de cette forme, deviendrait un « type » de l’ordre intelligible. Or, dans cet ordre de la nature que Kant prend pour type de l’ordre moral, universel est impossible, on est obligé de se contenter du général. Kant, par exemple, condamne le suicide inspiré par l’amour de soi pour ce motif qu’une nature qui détruirait la vie par ce même penchant dont le but est précisément de la conserver serait en contradiction avec elle-même. A quoi M. Fouillée répond justement : « le penchant naturel à vivre est assez fort pour que quelques exceptions, dans des cas déterminés, ne puissent nuire en rien à la règle… Il peut être absurde de vivre pour observer une règle, et de juger d’un cas individuel par des généralités… Le vrai type sensible et naturel de la loi morale, la vraie loi de nature, c’est d’agir selon les conditions et circonstances ».

L’objection de M. Fouillée consiste à dire qu’aucune maxime de conduite ne soutient l’épreuve de l’universalisation ; en d’autres termes, M. Fouillée a montré que, quelque fin que l’on prenne, on ne saurait sur une fin fonder des règles spéciales universelles. Mais pas sons condamnation là-dessus : admettons que sur certaines fins on puisse asseoir des règles universelles : n’arrivera-t-il pas, alors, que la même chose sera vraie de toutes les fins ? et ne serons-nous pas dépourvus de tout critère permettant de déclarer telles fins — telles règles, par conséquent — morales, telles autres immorales ? Que l’on examine les exemples fournis par Kant. Il nous dit que l’on ne saurait transfor-