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vie d’un homme soit infiniment plus précieuse que le bien-être des autres hommes : il faudra donc assurer la vie de tous les hommes existants, même de ceux dont on ne peut prolonger les jours qu’au prix des plus grandes dépenses, en diminuant dans une proportion importante le bonheur de leurs semblables. Ce n’est pas tout : le principe de l’utilité générale veut qu’on se préoccupe des générations futures, et non point seulement de la génération présente ; et alors, si on donne à la vie prise en elle-même un prix infini, il faudra favoriser par tous les moyens la multiplication de l’espèce, dût cette multiplication réduire les êtres humains à la plus misérable des conditions.

Le développement de ces conséquences montre que la thèse de M. Hobson va à l’encontre des indications du sens commun. Mais abordons la question directement : faut-il reconnaître deux choses comme bonnes, la vie d’une part, le plaisir de l’autre, et faut-il donner à la vie un prix infini par rapport au plaisir ? Il n’y a aucune raison à cela. Seul le plaisir a du prix ; la vie est bonne quand elle procure à l’être vivant plus de plaisir que de peine, elle est mauvaise dans le cas contraire. Par suite, il convient de favoriser la venue au monde de ceux pour qui la vie sera bonne, et d’empêcher la venue des autres ; et on peut établir une balance entre telle augmentation du nombre des vivants et tel accroissement du bonheur de ceux qui vivront. Ce qu’il y a — et c’est sans doute la considération de ce fait qui a inspiré à M. Hobson sa théorie —, c’est que, lorsqu’il s’agit de ceux qui sont déjà vivants, on ne peut décréter la suppression d’un individu, lui retirer les moyens de vivre, sans avoir tenu compte de son