volonté qui de sa nature même, et lorsqu’elle s’est enfin débarrassée de ses entraves, s’ouvre à autrui, ne demande qu’à aimer. L’égoïsme le plus grossier contient peut-être encore de la moralité à l’état latent. On peut, sans contradiction, faire rentrer l’intérêt et l’égoïsme, comme de simples moments, dans l’évolution d’une pensée normalement désintéressée »[1].
Ce passage de Guyau contient quelque obscurité. M. Fouillée a mieux exprimé l’idée qui y est enfermée. Il montre que l’ « altruisme moral a son origine dans cette sorte d’altruisme intellectuel, de désintéressement intellectuel qui fait que nous pouvons penser les autres, nous mettre à leur place, nous mettre en eux par la pensée »[2]. Il dit que « la pensée, par son caractère impersonnel et objectif, est essentiellement altruiste », que « le caractère essentiel de l’intelligence, c’est de tendre à l’objectivité, par conséquent à l’impersonnalité et à l’universalité », que par suite « ce qui est universel peut seul la satisfaire dans son exercice »[3]. Et se fondant sur cette considération de l’intelligence « faculté désintéressée par sa nature même, qui est d’être générale et universelle », de l’intelligence « qui généralise, qui abstrait, qui induit, qui identifie les individus dans une même idée »[4], il adresse à l’homme cette objurgation : « sois juste en vertu de la logique et de la science, puisque logiquement, rationnellement et scientifiquement la puissance et l’intérêt de tous sont