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mais le premier il s’est appliqué à la présenter dans toute sa pureté, et à fonder sur elle une doctrine morale systématique.

Qu’est-ce donc que l’obligation, pour Kant ? C’est quelque chose d’absolu à coup sûr. La preuve en est que la critique de Kant, recherchant à quelles conditions une morale obligatoire est possible, s’arrête devant l’obligation elle-même, que Kant, qui a critiqué la raison pure spéculative, s’abstient de critiquer la raison pure pratique. A preuve encore, la démarcation tranchée que Kant trace entre l’obligation d’une part, et ce qui s’y rattache, et d’autre part tout ce qui est « pathologique ».

La notion de l’obligation cependant, si on la donne comme un absolu, si on la suspend dans le vide, perd, ainsi qu’il a été montré, toute consistance. De fait, il est aisé de constater que chez Kant, comme partout, l’obligation emprunte à la sanction tout ce qui lui donne son apparence de solidité, qu’elle n’a de contenu que ce qui passe en elle du contenu de l’idée de sanction. La loi morale, fait rationnel, est à la lettre le « commandement » dont Kant nous parle sans cesse. Dans le sentiment de respect qu’elle nous inspire, la crainte, malgré que Kant en ait, joue un rôle, et un rôle qu’il nous est permis de supposer très important : la voix de la raison pratique, dit Kant, « fait trembler même le criminel le plus hardi et l’oblige à se cacher à son aspect »[1]. L’impératif moral, d’ailleurs, a une sanction immédiate : c’est l’estime que l’on éprouve pour soi-même quand on y a obéi, c’est le blâme inté-

  1. Raison pratique, 1re partie, I, 3 (p. 143).