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de l’obligation ne procédait pas d’autre chose que des sanctions de toutes sortes qui de tout temps ont été attachées aux prescriptions de la morale traditionnelle : la sanction religieuse, la sanction légale, et enfin cette sanction plus efficace que toutes les autres, parce qu’elle est à la fois plus prompte et plus sûre, et qu’elle accompagne toutes les prescriptions morales, la sanction de l’approbation et du blâme de nos semblables. L’application, pendant une longue suite de générations, de ces diverses sanctions a créé chez nous une disposition d’esprit particulière. Et sans doute quand nous nous sentons obligés d’obéir à telle ou telle règle morale, nous ne pensons plus aux sanctions : le sentiment de l’obligation disparaît même quand c’est la représentation nette d’une sanction qui agit sur nous. Mais l’origine du sentiment se marque encore à la nuance de crainte qui le teinte, à ce respect qui s’y mêle, comme Kant l’a montré, et qui est de la crainte sublimée. Ainsi que Bain l’a dit, la conscience morale — je dirais, pour moi : l’obligation — est une imitation en nous et par nous d’un gouvernement qui existe hors de nous[1] ; il faudrait ajouter seulement : de ce gouvernement, en tant qu’il tire son autorité des moyens de coercition et des récompenses dont il dispose. Et ainsi, en définitive, l’autorité de l’obligation repose toute sur la sanction.

  1. Passage cité. Voir encore, dans le même sens, les remarques si pénétrantes et si amusantes de Nietzsche (Par delà le bien et le mal, § 199, Aurore, § 207, et passim). — Guyau, dans sa Morale anglaise contemporaine, objecte à Bain (2° partie, IV, 1, § 1, pp. 349 sqq.) que cette imitation du « gouvernement hors de nous » par laquelle il définit la conscience morale est une imitation originale ; au vrai, il y a lieu de distinguer ici entre la moralité vulgaire et la moralité rationnelle : la théorie de Bain est exacte pour la première, et point pour l’autre.