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commandement, que tout ce qu’on peut dire, c’est que ce commandement se fait obéir ou qu’il ne se fait pas obéir. Ce qui est vrai, c’est que la moralité consiste à agir de telle ou telle façon ; c’est encore qu’à commettre tel acte, on s’expose à subir telles conséquences. Mais en définitive l’autorité de la loi morale ne résulte jamais que de la présence en nous et de l’action de certains sentiments — le sentiment moral par exemple, ou la crainte du châtiment — ; cette autorité se mesure exactement à l’influence réelle que ces sentiments possèdent[1].

Ailleurs, Leslie Stephen représente que prétendre attribuer à la loi morale une suprématie « de jure », c’est s’enfermer dans un cercle. Je dois obéir, dit-on, à la loi morale : que signifie cette expression ? qu’il est bien d’obéir à la loi ? mais le mot bien à son tour n’indique pas autre chose que la conformité à cette même loi. On ne peut sortir du cercle qu’en renonçant à l’idée de la suprématie « de jure » de la morale, et en se contentant pour elle d’une suprématie « de facto »[2].

Je ne discuterai pas la doctrine de Leslie Stephen en tant qu’elle supprime le véritable problème moral : Leslie Stephen croit que la morale a pour tâche d’étudier les sentiments que l’on appelle moraux et d’en donner la définition générale ; il nie par là la morale rationnelle, et l’on a vu au chapitre précédent ce qu’il faut penser d’une telle négation. Je m’en tiendrai à quelques remarques sur les vues que notre auteur a

  1. §§ 5-8.
  2. 4, § 28 (p. 166).