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certaine sorte de motivation, à savoir la motivation par la raison. L’homme sera libre dans la mesure où il obéira à la raison, et surtout à la raison considérée dans toutes ses exigences, autrement dit à la morale[1]. C’est ce que beaucoup de philosophes, à toutes les époques, ont vu, ou soupçonné. Très nombreux en effet sont ceux qui ont établi un rapport étroit entre la notion de liberté et la morale. Toutefois dans l’établissement de ce rapport des erreurs ont été commises, dont les principales sont au nombre de deux : l’une consiste à fonder la liberté sur des vues à priori, non sur l’observation ; l’autre, qui parfois découle de celle-là, consiste à regarder la liberté comme une puissance qui déborderait les faits où elle se manifeste, et à la tenir pour inconciliable avec le déterminisme. Sur l’une et l’autre de ces erreurs il convient de nous arrêter un peu.

Parmi ceux qui, rattachant la liberté à la morale, ont eu le tort de fonder la liberté sur des spéculations à priori, il faut citer les philosophes « intellectualistes ».

  1. M. Evellin (voir le Bulletin de la Société française de philosophie, 1903, pp. 118 sqq.) trouve la manifestation de la liberté dans l’effort. Cette liberté qui se révélerait dans l’effort est elle une liberté d’indifférence ? La théorie de M. Evellin prêterait le flanc, dans ce cas, aux objections indiquées ci-dessus. Que si au contraire M. Evellin écarte la liberté d’indifférence, la liberté ne serait pas autre chose que la disposition — purement naturelle — à dépenser toute sa vigueur, à se donner tout entier pour obtenir le résultat que l’on poursuit. Mais le tigre qui tend tous ses muscles, qui concentre toutes ses forces quand il se prépare à bondir sur sa proie, peut-on dire qu’il est plus libre que tel autre animal moins énergique ? Si l’on veut trouver un rapport entre la liberté vraie, qui est la liberté rationnelle, morale, et l’effort, ce ne sera que le rapport suivant : celui qui est plus capable d’effort, celui-là, quand sa raison lui aura fait décider d’agir d’une certaine façon, pourra mieux, par la concentration qu’il saura opérer de ses énergies, assurer l’exécution de la décision prise, le triomphe définitif et complet de la volonté raisonnable.