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détermine la formation par une sorte d’attraction exercée sur des éléments préexistants. Et c’est là l’explication d’un fait au premier abord contradictoire, à savoir que d’une part, comme le montre l’observation la plus familière, les hommes obéissent d’autant mieux à la raison que sont plus forts en eux les sentiments analysés ci-dessus, et que d’autre part, comme Kant l’a fait remarquer[1], la représentation du devoir a d’autant plus d’influence sur nous qu’elle est plus pure.




Les considérations qui viennent d’être développées conduisent à une conception de la liberté qu’il n’est pas indispensable à mon dessein d’exposer, mais que je veux néanmoins indiquer brièvement.

Tout d’abord, je noterai que la notion de liberté a un rapport étroit avec les exigences de la raison. Notre liberté se manifeste lorsque l’idée qu’un certain acte est meilleur rationnellement nous incline à le préférer[2].

S’écarte-t-on de cette conception, la liberté ne peut plus être conçue que comme une liberté d’indifférence. Mais qu’est-ce que cette liberté d’indifférence ? un pouvoir qui serait en nous de choisir, parmi les alternatives pratiques qui se présentent sans cesse, indépendamment de l’influence des motifs et des mobiles ; ou plutôt — car le mot de pouvoir n’est pas du tout à sa place ici — c’est une part qui appartiendrait, dans la production de nos

  1. 2e partie (p. 272).
  2. De ceci, il résulte que les infirmités morales sont au nombre de deux : l’une, c’est l’absence du sens moral, c’est-à-dire l’impuissance à concevoir le meilleur — ce qui est meilleur rationnellement — comme tel ; l’autre c’est l’absence de la liberté, c’est-à-dire la non-efficacité de la raison.