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plaisir ; et la satiété, si nous voulons consommer davantage encore, finira par arriver. La nature de nos besoins étant telle[1], la loi de l’utilité dé croissante des biens apparaît tout de suite comme évidente : les biens satisfont, en effet, les besoins ; et même si un bien est propre à satisfaire plusieurs besoins, son utilité ira décroissant ; car ce qui est vrai de chaque besoin en particulier est vrai également de plusieurs besoins réunis.

L’utilité d’un bien décroît, relativement à la quantité, à mesure que cette quantité augmente. Un moment vient où cette utilité devient nulle : c’est quand, pour tous les besoins que notre bien peut servir à satisfaire, la satiété a été atteinte. L’utilité d’un bien peut même devenir négative. Elle peut devenir négative parce que ce « bien », s’il nous en est fourni une certaine quantité, nous devient incommode par lui-même : on peut, par exemple, chauffer trop un endroit où nous sommes. Elle peut devenir négative aussi d’une manière en quelque sorte indirecte : ainsi une grande abondance de certains « biens » matériels peut nous embarrasser par la difficulté où nous nous trouvons de les loger.

La loi de la décroissance de l’utilité, nous l’avons dit, n’est pas d’une application universelle[2]. Elle comporte d’abord une exception notable : c’est celle qui a trait aux petites quantités. Très souvent l’utilité d’un bien, lorsqu’on part de quantités infimes pour passer à des quantités de moins en moins petites, commence par s’accroître. Si une maîtresse de maison veut offrir du thé à ses visiteurs, une cuillerée à café de thé ne représentera pour elle aucune utilité ; il faudra qu’elle en possède une certaine quantité pour pouvoir préparer le breuvage. Une quantité trop petite d’un médicament, semblablement, peut n’avoir absolument aucun effet sur l’organisme.

D’autres exceptions ont pu être indiquées. On a cité le cas du collectionneur qui se passionne de plus en plus pour sa collection et qui attache de plus en plus de prix aux objets qui viendront l’enrichir, à mesure que cette collection s’augmente ; on a cité le cas analogue du paysan qui désire plus vivement s’agrandir à mesure que son bien devient plus considérable. On a cité encore le cas, à la vérité très particulier, de l’accapareur, lequel attache de plus en plus de prix à l’obtention des biens qu’il recherche à me sure que, ayant réussi à en réunir une plus grande quantité, il voit s’accroître les chances de réussite de son opération.

Notons enfin que ces biens que nous recherchons par vanité, que l’argent encore, en tant du moins que nous désirons la richesse pour elle

  1. Il y a des besoins — nous l’avons noté déjà — par rapport auxquels on ne voit pas que la satiété puisse être atteinte. Mais par rapport à ces besoins aussi le plaisir ira décroissant.
  2. Voir H. Stanley Jevons, Essays, III, pp. 119-122, Ricci, Curve crescenti di ofe limità elementare e di domanda. dans le Giornale degli economisti, août 1904.