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richesses »[1]. Pour Marshall, l’économique offre cette particularité, parmi les branches diverses de la sociologie, de s’occuper de désirs, d’aspirations et d’affections dont l’influence sur la conduite de l’homme se prête à la mesure[2].

Cette considération, toutefois, de la mensurabilité des phénomènes ne nous fournit pas la démarcation cherchée. Il n’est pas de fin, parmi celles que l’homme peut poursuivre, qui ne soit mise par lui en comparaison avec les fins rivales. Notre vie consciente se passe à exercer des choix, à attribuer des valeurs aux objets qui nous apparaissent comme désirables. Entre deux biens qui sont à vendre, et qui coûtent le même prix, nous prendrons l’un de préférence à l’autre. Mais nous nous déciderons aussi bien entre la recherche scientifique, ou la culture de l’art, et l’argent, quand la nécessité d’une telle décision, comme il arrive, s’imposera à nous. On arrivera, avec la définition de Marshall, à faire entrer dans le domaine de l’économique toutes les manifestations de l’activité intelligente de l’homme. Car il serait de peu d’intérêt de remarquer que l’exactitude avec laquelle les désirs et les besoins se laissent mesurer, est tantôt plus grande, tantôt moindre.

Il semble qu’il y ait lieu de chercher la notion spécifique de l’économique, non pas dans la mensurabilité, mais dans l’échangeabilité. Celle-ci est une notion plus étroite. L’échangeabilité implique la mensurabilité : on n’échange un objet que parce qu’on l’estime moins que l’objet contre lequel on le cède. Mais tout ce qui est mesurable ne peut pas être échangé : les dons de l’intelligence, les qualités morales ont une valeur aux yeux de l’individu qui les possède, comme aux yeux des personnes qui sont en rapport avec lui ; mais ces qualités ne sauraient aucunement devenir des objets d’échange.

La distinction des biens échangeables et des biens non échangeables a une netteté suffisante : point n’est besoin de le démontrer. Et elle a en même temps une importance très grande. Car si pour chaque individu les biens que cet individu possède ou qu’il désire, de quelque sorte qu’ils soient d’ailleurs, forment un système, il y a un système beaucoup plus vaste, non plus individuel, mais social, que forment ensemble tous les biens échangeables.

Nous avons donc trouvé le principe de démarcation que nous cherchions. Nous fondant sur ce principe, nous adopterons les définitions suivantes.

L’activité économique de l’homme est cette partie de son activité qui tend à l’acquisition de biens échangeables, ou qui, de quelque autre manière, se rapporte à de tels biens.

  1. Cité par Wagner.
  2. Principles of economics, I, Londres, Macmillan, 4e éd., 1898, liv. I, 5, § 3 (trad. fr., Paris, Giard et Brière, t. I, 1907).