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biens matériels, généralement, ne deviennent utilisables pour nous que moyennant que de certains services nous soient fournis. Nous nous contenterons de faire remarquer que les services ont un prix, que nous payons le médecin pour nous soigner, le chanteur pour chanter, l’ouvrier pour dépenser sa force de travail, et que nous pouvons payer, de même, un industriel pour renoncer à tel exercice de ses droits qui nous serait dommageable.

Les controverses sur la question de la matérialité des biens, en somme, n’ont pu naître que parce qu’on considère souvent les biens d’un point de vue trop objectif. Qu’est-ce, au fond, qu’avoir la propriété d’un « bien matériel » ? c’est avoir de certains droits, c’est avoir tous les droits que l’on peut exercer sur lui, y compris le droit de le détruire. Et sans doute la détention d’un objet matériel est un fait auquel on ne trouve pas d’équivalent dans le cas de la propriété d’une marque de fabrique, par exemple. Mais ce fait n’a ici qu’une importance accessoire. Seul le fait juridique de la propriété et le fait proprement économique de l’échangeabilité comptent ici : et ces faits se retrouvent identiques dans les deux cas considérés.

Ainsi, en définitive, les richesses consistent toujours en des droits. Quand ces droits se rapportent à des objets matériels, et que tous les droits se rapportant à tels ou tels objets — ou du moins les plus importants d’entre eux — sont réunis dans une même main, alors la tendance objectiviste de notre esprit nous les fait incorporer en quelque sorte dans les objets en question ; cette tendance d’ailleurs est grandement favorisée par le fait que pendant très longtemps on n’a guère connu comme propriété que la propriété des choses matérielles. On parlera ainsi de richesses matérielles et de biens matériels. Mais ce n’est là qu’une façon de s’exprimer, et qui risque de dissimuler les réalités essentielles[1].

2. Différentes sortes de biens.

36. Quelques distinctions. — On peut établir, parmi les biens, des distinctions multiples. Indiquons les principales.

1° Il y a des biens naturels et des biens artificiels. Les premiers sont

  1. Irving Fisher, qui a apporté beaucoup de soin à l’élaboration des concepts fondamentaux de l’économique, s’applique à distinguer la « propriété » des « richesses ». Celles-ci, pour lui, sont toujours matérielles. Comme cependant les idées de propriété et de richesse sont, d’après lui, des idées corrélatives, il se croit obligé de faire correspondre des objets matériels — auxquels il pourra donner le nom de richesses — à toutes les sortes de propriétés. Quand un industriel, par exemple, a