Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/873

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

premières doivent être achetées dans un pays voisin, s’il peut craindre que son propre pays, d’un jour à l’autre, ne relève les droits sur ces matières. Ainsi les meilleurs traités de commerce sont ceux qui sont passés pour une certaine durée, et qui en outre spécifient l’application d’un tarif déterminé — qu’on appelle alors tarif contractuel ou conventionnel —.

Quand deux nations concluent ensemble un traité de commerce, elles peuvent stipuler que les avantages qu’elles se font demeureront exclusifs : le traité dit de Methuen, passé en 1703 entre l’Angleterre et le Portugal, présentait, par son article 2, ce caractère d’exclusivité[1]. On a renoncé à ce genre de traités, comme créant entre les nations qui y participent une dépendance mutuelle trop étroite. Une clause, en revanche, que l’on trouve dans beaucoup de traités de commerce contemporains, est la clause dite de la nation la plus favorisée, par laquelle chacune des nations contractantes s’engage par avance à accorder à l’autre toutes les concessions qu’elle pourra être amenée à consentir à de tierces puissances. Parfois la clause de la nation la plus favorisée est mise dans les traités sans condition. D’autres fois il est stipulé que, si l’une des nations contractantes vient à accorder un avantage à une tierce nation en échange de quelque concession que celle-ci de son côté lui aura faite, la nation cocontractante ne bénéficiera de l’avantage en question qu’autant qu’elle aura consenti la même concession : dans ce cas, on parle de réciprocité.

La clause de la nation la plus favorisée se trouve même inscrite dans certains traités politiques. Ainsi par le traité de Francfort — lequel a un caractère perpétuel — la France et l’Allemagne ont convenu de s’accorder réciproquement, pour chaque article de leur commerce, le régime le plus favorable dont elles feraient bénéficier l’un quelconque de ces pays : l’Angleterre, la Belgique, la Hollande, la Suisse, l’Autriche, la Russie.

Beaucoup de protectionnistes sont les adversaires de la clause de la nation la plus favorisée. Ils représentent que lorsqu’un État a signé un certain nombre de traités qui comportent cette clause, il se trouve appliquer, non pas à chacun des États avec qui il a contracté un tarif spécial, mais à tous un même tarif. Seulement il faut considérer que, appliquant aux divers pays étrangers plusieurs tarifs différents, les pays les moins favorisés auront la possibilité, souvent, de bénéficier de tarifs plus bas que ceux qui les visent, en faisant passer leurs marchandises par une voie détournée. Et surtout, il faut voir que la clause de la nation la plus favorisée constitue, pour les États qui signent des traités de commerce, une garantie précieuse contre certaines éventualités : par elle, par exemple, un État à qui un autre État vient d’accorder un abaissement de tarif est assuré que ce même État ne pourra pas, en accordant à une tierce nation un abaissement encore plus fort, détruire l’avantage qui lui a été concédé.

  1. Voir Smith, Richesse des nations, IV, 6.