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souvent aussi, à satisfaire tel et tel besoins successivement : que l’on songe aux usages auxquels on peut employer un cheval. Et un bien peut satisfaire simultanément plusieurs besoins : ainsi un costume est à la fois un vêtement et nue parure ; un mobilier artistique nous sert à nous asseoir, à dormir, à manger, et il nous procuré en même temps des jouissances esthétiques. Parler ici d’un « besoin, composite », du besoin d’un mobilier artistique par exemple, ce serait s’exprimer d’une manière qui n’est point correcte.

35. S’il est des biens immatériels[1]. — Des controverses se sont élevées sur la question de l’extension adonner au concept des biens économiques. Ces biens sont-ils tous matériels, ou peut-il au contraire y avoir des biens immatériels ? La première opinion a peut-être pour elle la majorité des auteurs[2]. D’autres cependant la combattent. Et tout d’abord ils veulent que l’on considère comme des biens certains droits et certaines relations, que les créances soient des biens, et encore les servitudes actives, les clientèles commerciales, etc.

La deuxième opinion seule nous parait soutenable. Mais nous n’adopterons pas tous les arguments qui ont été présentés en sa faveur. Wieser, par exemple, la justifie[3] en représentant que ces droits et ces relations dont il fait des biens sont des divisions d’autres biens. Un bien, remarque-t-il, peut être divisé corporellement, c’est-à-dire selon l’espace ; mais il peut être divisé aussi dans le temps, et il peut être divisé idéalement. Une créance, ainsi, c’est une partie d’un bien qui a été divisé selon le temps ; une servitude active, c’est une partie d’un bien que l’on a divisé idéalement. Ces observations, toutefois, ne sont pas toutes justes : il n’est pas exact de dire du créancier qu’il sera le propriétaire d’un bien matériel qu’il a prêté à partir de l’échéance du prêt ; ce qui lui sera rendu, c’est, non pas ce bien matériel lui-même, mais un équivalent. Et d’autre part, l’argumentation de Wieser ne saurait aucunement s’appliquer à des cas comme celui d’une clientèle.

Ce qui doit nous décider à voir des biens dans les créances, dans les clientèles, etc., c’est tout simplement que ces choses ont une valeur et se vendent. Contre cette raison, on peut être assuré par avance qu’aucune raison ne saurait prévaloir. Et de fait il n’a rien pu être avancé de plausible à l’encontre.

On a dit par exemple[4] qu’une clientèle qu’un commerçant achète re-

  1. Consulter Wagner, Grundlegung, §§ 119-121 (trad. fr., t. I), et Philippovich, Grundriss der politischen Œkonomie, 1er vol., § 3, u.
  2. Voir Böhm-Bawerk, Rechte und Verhältnisse, Innsbruck, 1881 ; voir encore Turgeon, Des prétendues richesses immatérielles (Revue d’économie politique, 1889), et Graziani, Istituzioni di economia politica (Turin, Bocca, 1904), liv. I, chap. 1.
  3. Dans le Handwörterbuch der Staatswissenschaften, article Gut, 1, ; (t. IV).
  4. Nous prenons ces quelques arguments chez Graziani.