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2° Il faut qu’ils puissent être cédés. Certains biens en effet sont tels de leur nature qu’il est impossible de les céder : nous ne pouvons pas céder notre beauté, notre intelligence, notre instruction ; car le professeur, par exemple, qui travaille à instruire ses élèves ne se défait point par là de son savoir. Et d’autre part, la loi empêche que certains biens soient cédés ; il y a des biens qui, cessibles de leur nature, ne sont point cependant in commercio : qu’il suffise de citer les personnes.

3° Les biens ne sont échangeables, en un certain sens, que s’ils ont une valeur, autrement dit, si la quantité qui en existe ne dépassé pas ce qui est nécessaire pour satisfaire complètement les besoins correspondants. Les arbres, les pierres, l’eau n’ont aucune valeur dans les sociétés primitives, quand la population est peu dense et que le sol n’est pas approprié tout entier : ce ne sont donc pas des biens économiques. On peut remarquer, au reste, que le nombre va toujours diminuant de ces biens qui ne sont pas des biens économiques parce qu’ils sont trop abondants.

À l’expression « biens économiques » on oppose souvent l’expression « biens libres ». Mais cette dernière catégorie ne comprend pas tous les biens qui ne sont pas des biens économiques. Elle comprend seulement les biens dont tout le monde a la jouissance. Les biens libres sont donc ces biens qui ne peuvent pas être appropriés ; et ce sont encore — on parle parfois ici de biens « conditionnellement » libres — ces biens qui en raison de leur abondance n’ont point de valeur[1].

34. Biens et besoins. — La définition que nous venons de donner des biens montre le lien très étroit qui unit l’étude des biens, où nous entrons, à l’étude des besoins. L’idée de bien est corrélative de celle de besoin. Traiter des biens, par conséquent, c’est encore traiter des besoins, mais à un point de vue objectif, et non plus subjectif.

Il faut se garder, toutefois, d’exagérer la portée de cette proposition. Si on rapporte les besoins, comme il convient de faire, non pas tant aux biens qui les satisfont qu’aux plaisirs qu’ils nous font poursuivre ou aux peines qu’il nous font éviter, le tableau des besoins et le tableau des biens ne coïncideront pas.

Un même besoin — si du moins l’on s’attache aux besoins les plus généraux — peut être satisfait par plusieurs biens. Cela n’est pas vrai seulement quand on a affaire à des biens pareils de tous points et pratiquement au moins indiscernables — à des biens fongibles — ; cela peut être vrai encore pour des biens dissemblables : combien, par exemple, de façons de se nourrir !

D’autre part, un même bien peut satisfaire plusieurs besoins. Un bien peut servir à satisfaire soit tel besoin, soit tel autre ; il peut servir, très

  1. Voir Wagner, Grundlegung, §§ 113-114 (trad. fr., t. I).