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gine dans des plaisirs dont on a senti l’attrait au début, mais que l’accoutumance a émoussés — tels le besoin de boissons alcooliques, de tabac, etc. —.

Passons à ces augmentations de besoins qui résultent de ce qu’on a appris à connaître des plaisirs nouveaux, ou à goûter des plaisirs plus vivement, bref, de ce qu’on a plus de désirs positifs. Ces augmentations de besoins diminueront notre bonheur si nous ne réussissons pas à contenter nos désirs, et que cela nous fasse souffrir, ou encore si le désir pour nous est une souffrance. Il faut donc tenir compte ici de la nature de ces désirs qui sont nés en nous, ou qui sont devenus plus vifs — s’ils sont ou non faciles à contenter — ; il faut tenir compte des facilités plus ou moins grandes que notre situation de fortune, par exemple, nous donne pour les contenter ; il faut tenir compte enfin du caractère plus ou moins philosophe, plus ou moins tranquille et patient de chaque individu.

Si nous imaginons un homme qui soit en mesure de satisfaire les désirs nouveaux ou plus vifs qui lui sont venus, un homme, encore, chez qui le désir, même non satisfait, ne produise aucune souffrance, alors l’augmentation des désirs positifs produira une augmentation de bonheur. Il faut se garder de confondre, comme on fait souvent, le bon heur avec le contentement. Deux êtres parvenus à l’état de contentement peuvent goûter des bonheurs inégaux ; et chez un être qui n’est point parvenu au contentement, l’excédent des plaisirs sur les peines, ou la somme des plaisirs, peut être supérieure à ce qu’est celle même somme chez un autre être qui, lui, est « content »[1].

3. L’importance relative des besoins.

31. — On parle souvent de l’importance relative des besoins. Que faut-il entendre par là ?

Supposons un besoin que nous arrivions à satisfaire complètement. L’importance de ce besoin pourra être la quantité de plaisir que nous nous serons procurée ou la quantité de peine que nous nous serons évitée ; ce pourra être la dépense que la satisfaction complète du besoin nous aura coulé ; ce pourra être enfin l’excédent du plaisir obtenu, ou de la peine évitée, sur la dépense.

Mais comme on l’a vu, il est des besoins par rapport auxquels on ne peut pas atteindre la satiété. Et nous ajouterons que même pour ceux par rapport auxquels la satiété peut être atteinte, les hommes, le plus souvent, sont condamnés à demeurer en deçà de cette satiété. Il n’est donc d’aucun

  1. Voir Mill, Utilitarisme, chap. 2, Landry, Principes de morale rationnelle, Paris, Alcan, 1906, liv. II, chap. 1, 2.