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2. Origine et évolution des besoins.

29. L’origine des besoins. — Nos besoins peuvent avoir des sources diverses.

1° Il faut tenir compte, en premier lieu, des exigences générales de la nature humaine : il est des choses qui sont nécessaires à tous les hommes parce qu’ils sont hommes.

2° Nos besoins peuvent avoir encore leur source dans l’hérédité individuelle. Chaque individu est issu d’une certaine famille. La constitution physique et morale qu’il tient de ses ancêtres lui fera manifester de certains goûts, le prédisposera du moins à prendre du goût, si l’occasion lui en est donnée, pour de certaines choses.

3° Enfin c’est un facteur très important que l’éducation — ce mot étant pris ici dans un sens aussi large que possible —. Les conditions de toutes sortes au milieu desquelles nous vivons influent perpétuellement sur nous, modifient et déterminent notre nature.

Deux points, ici, sont à mettre particulièrement en valeur.

1° Le premier est le rôle joué, dans la formation de nos besoins, par l’habitude. Si nous sommes entraînés par les circonstances à accomplir un certain nombre de fois certains actes, à goûter certains plaisirs, un penchant naîtra en nous, généralement, un « besoin » — cette fois dans le sens étroit du mot — qu’autrement nous n’aurions pas senti, ou que nous n’aurions pas senti au même degré. On connaît assez, notamment, la façon dont tant de gens deviennent alcooliques.

2° Le deuxième point a trait à l’influence de l’exemple sur nos besoins. Le besoin n’est point un état purement affectif : il implique une croyance, par exemple la croyance à l’utilité plus ou moins grande d’une chose ; et les croyances se communiquent d’homme à homme. C’est Tarde qui a fait ressortir cette vérité que les besoins, comme tant d’autres faits psychologiques, doivent souvent leur naissance à l’invention individuelle, et sont propagés ensuite par l’imitation[1]. Et peu de vérités sont plus importantes, pour l’économique notamment : les exemples sont nombreux de biens dont aujourd’hui personne ne voudrait se passer — le linge de corps, les mouchoirs, etc. —, et qui ne sont devenus nécessaires que parce que certaines classes de la société en ont, à un moment donné, adopté l’usage — imitant elles-mêmes un individu ou un petit nombre de gens —.

L’imitation, au reste, n’est point quelque chose de simple ; elle ne ré-

  1. Voir la Psychologie économique, liv. I, chap. 2 à 4, et aussi Les lois de l’imitation (Paris, Alcan, 4e éd.), ch. 7.