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l’offre, une courbe de la demande : le point où se produit l’intersection des deux courbes indique à la fois la quantité qui se vend et le prix. Ce mode d’exposition est celui dont Marshall se sert d’ordinaire.

4o Enfin on peut, au lieu de se servir de chiffres ou de courbes, poser des formules générales, établir le système d’équations qui correspondra au problème de la détermination du prix, et dont la résolution nous ferait connaître ce prix. Et c’est ce que fait notamment Walras[1].

Il y a donc quatre langages différents dont l’économiste peut se servir quand il a à raisonner sur des données quantitatives. Les trois derniers de ces langages sont des langages mathématiques — encore que souvent on réserve le nom d’économique mathématique pour ces travaux qui emploient les deux derniers, et parfois même pour ceux qui emploient le quatrième —. Mais il est bien certain que, quelque langage que l’on emploie, le fond du raisonnement demeurera toujours le même[2].

Les mathématiques nous permettent de dire d’une certaine manière des choses qui pourraient être dites autrement. Mais y a-t-il avantage à se servir du langage — ou des langages — des mathématiques, ou vaut-il mieux ne pas y recourir ?

Cette question ne saurait être résolue par un oui ou par un non. Il faut, en premier lieu, considérer ici les personnes à qui on s’adresse. L’exposition mathématique rebute beaucoup de gens, ou même leur demeure inintelligible : l’exposition algébrique du moins, et aussi l’exposition géométrique ; car pour ce qui est des illustrations arithmétiques des raisonne-

  1. C’est ici l’endroit de mentionner les modèles mécaniques dont Fisher a fait un emploi excellent dans ses Investigations in the theory of value and prices (Transactions of the Connecticut Academy, 1892).
  2. Ceci a été fort bien vu par Wagner (Grundlegung, § 68 ; trad. fr., t. I). Et un grand nombre d’économistes mathématiciens ont reconnu d’une manière soit implicite, soit même explicite, la vraie signification de l’emploi des mathématiques dans l’économique. Cournot, après avoir exposé sous une forme mathématique ses théories économiques (dans les Principes mathématiques de la théorie des richesses), donna plus tard une deuxième exposition de ces mêmes théories en langage courant (dans ses Principes de la théorie des richesses de 1863). Marshall et Pareto rejettent souvent en appendice, ou dans des notes, l’exposé mathématique de leurs théories. Voir, au reste, les déclarations très nettes et très judicieuses de Marshall (Principles, préface de la 1re éd. ; trad. fr., t. I), de Cunynghame (A geometrical political economy, Oxford, 1904, p. 12), etc. Chez Walras lui-même, qui soutient la thèse contraire à la nôtre, nous relevons un aveu intéressant. Il écrit dans ses Éléments d’économie politique pure, p. xix : « ce n’est pas une grande découverte que d’avoir reconnu qu’il y a un gain d’utilité pour la société à retirer du capital d’un emploi où il donne un intérêt inférieur pour le porter vers un emploi où il donne un intérêt supérieur ; mais il me semble que le fait d’avoir démontré mathématiquement une vérité si plausible et même si évidente » — nous soulignons ce mot — « prouve en faveur des définitions et analyses par lesquelles on y arrive ».