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avaient dû être abandonnées ; il y a même eu dans presque toute l’Europe, vers 1880, une baisse générale de la rente agricole, causée par la concurrence que les produits de l’Amérique et de l’Inde étaient venus faire aux produits de la culture européenne.

2° La rente foncière n’est pas nécessairement éternelle, ni même durable. Elle a sa source, a-t-on dit, dans l’action de forces naturelles qui sont indestructibles. Mais cette proposition est doublement inexacte. L’agriculture utilise des ressources naturelles qui ne sont pas infinies : il y a des méthodes de culture qui appauvrissent le sol, qui peuvent à la longue l’épuiser complètement ; et sans doute aujourd’hui on a la possibilité de se procurer, pour les restituer au sol, les éléments que la culture lui enlève ; mais il n’est pas inconcevable que cette possibilité vienne à disparaître. D’ailleurs, si la rente est due en partie à la nature, elle résulte aussi de cet ensemble de conditions d’ordre social qui déterminent les prix des produits qu’on en tire ; et c’est par là, surtout, qu’elle apparaît comme susceptible de tarir. À l’inverse, d’ailleurs, rien n’empêche d’imaginer qu’une terre qui en temps ordinaire ne rapporte rien vienne dans un moment donné, par suite de circonstances exceptionnelles, à procurer une rente à son propriétaire.

3° En tant qu’elle naît de l’exploitation du sol et des forces naturelles qui y agissent, la rente, dit-on parfois, représente un don de la nature : elle est le revenu d’une richesse que l’homme n’a pas créée. Ceci encore n’est point toujours vrai. Pour beaucoup de terres sans doute, la rente n’est due aucunement au travail humain — nous parlons ici du travail de fondation, point du travail requis par l’exploitation —. Mais il y a des terres qui ont été améliorées d’une façon durable par l’effort de l’homme, et qui ne donnent une rente, qui ne donnent du moins la rente qu’on en tire, que grâce à cela. Il y a des terres même dont on peut dire qu’elles ont été créées par l’homme : celles, par exemple, que l’on a conquises sur la mer. Et peut-être objectera-t-on que l’homme, même dans des cas pareils, n’a pas fait à lui tout seul ces terres qu’on dit qu’il a conquises ou qu’il a créées. Mais à ce compte on pourrait soutenir — comme nous l’avons déjà fait remarquer — que jamais l’homme ne créé aucun bien : car par cela même qu’il est une partie de l’univers, en rapport avec les autres parties de celui-ci, jamais il n’agit qu’il n’y ait des agents extérieurs pour collaborer à son action d’une façon ou de l’autre.

4° Il n’y a pas lieu de voir un caractère essentiel de la rente dans le fait que les terres seraient strictement limitées en quantité. Cela apparaîtra clairement quand nous parlerons du fondement de la rente.

336. Comment il faut la définir. — Voici, maintenant, les caractères par lesquels la rente foncière peut être définie.

1° La rente foncière est pour celui qui la perçoit un revenu en un cer-