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fois, on ne découvrirait pas grand’chose. S’il s’agit d’un pays, la valeur totale des biens qui y sont produits peut fournir des indications sur la prospérité relative de ce pays et sur ses variations. S’il s’agit de la société humaine tout entière, cette valeur totale n’a pas de rapports avec la prospérité générale ; elle est conditionnée par ces mêmes facteurs dont dépend la valeur de la monnaie : la quantité de monnaie en circulation, la rapidité de la circulation monétaire, etc.

330. Revenu social et revenu individuel. — Pour comprendre comment le revenu social se distribue, ce qu’il faut savoir, c’est comment les revenus individuels se constituent. Et sans doute on pourrait dire que la connaissance des revenus individuels ne donne pas une idée parfaitement exacte de la distribution du revenu social. Une personne qui a un revenu très élevé peut employer une partie de ce revenu à acheter des terres ou des maisons de rapport ; et ainsi la part qu’elle prélèvera sur le revenu social, celui-ci étant composé de biens à consommer, ne sera pas exactement proportionnelle à son revenu. Inversement, celui qui transformera des capitaux en biens de consommation ou qui vendra des capitaux pourra prendre du revenu social plus que la part qui serait proportionnelle au revenu dont il jouit. Ces faits, toutefois, ne modifient pas la distribution du revenu social d’une façon sérieuse. Et ils n’y apportent des modifications durables que parce qu’ils entraînent des changements dans les rapports des revenus individuels. Il est permis, en conséquence, de les négliger, et de regarder la distribution du revenu social comme dépendant uniquement de la façon dont se déterminent les revenus individuels.

Qu’est-ce donc que le revenu individuel[1] ? C’est quelque chose, peut-on dire tout d’abord, qui s’oppose à la fois au patrimoine et au capital individuels — la même opposition, au reste, existe aussi bien entre le revenu social d’une part, et d’autre part le patrimoine social et le capital social —. Le revenu s’oppose au patrimoine. En effet, celui-ci est composé de l’en semble des biens qu’on possède à un moment donné ; le revenu, au contraire, est composé d’un ensemble de biens qui sont acquis dans une période donnée ; en d’autres termes, le patrimoine — ou si l’on veut la for tune — est un stock, tandis que le revenu est un flux. Le revenu, en même temps, s’oppose au capital. Le capital sert à produire ou à acquérir des biens dont on jouira, ou de l’argent avec lequel on achètera de tels biens ; au lieu que le revenu, normalement, est composé de biens que l’on « consomme » — au sens étroit du mot —, ou sert à acheter de ces biens.

De même que le revenu social, le revenu individuel peut être envisagé

  1. Voir là-dessus Fischer, Capital and income, chap. 4, § 1, chap. 7, et Appendice au chap. 7.