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exigent un prix supérieur à celui qui correspond à l’état du marché —. Nécessairement donc, le stock monétaire existant suffira à acheter ces biens. Et d’autre part la monnaie, ayant pour fonction de servir d’intermédiaire dans les échanges, s’emploiera toujours toute à acheter les biens qui sont offerts, quelle que soit la quantité de ceux-ci[1]. En conséquence, s’il y a deux fois plus de biens à acheter, chaque unité de monnaie achètera deux fois plus de biens, et ce sera comme si pour acheter les mêmes biens il y avait deux fois moins de monnaie ; s’il y a deux fois moins de biens à acheter, chaque unité de monnaie achètera deux fois moins de biens, et ce sera comme si la quantité de monnaie était doublée.

Ce raisonnement, toutefois, est un peu sommaire. Il faut voir d une manière plus précise comment le volume des transactions peut influer sur la valeur de la monnaie ; il faut en même temps, et surtout, bien définir ce qu’on doit entendre par le volume des transactions.

Tout d’abord, il importe de noter que les variations dans les prix des marchandises, par elles-mêmes, ne modifient pas le volume des transactions, et ne modifient pas non plus la valeur de la monnaie — ou du moins qu’elles ne les modifient ni l’un ni l’autre d’une manière qui mérite d’être retenue — . Imaginons que le prix d’une denrée vienne à baisser, et qu’il continue cependant à être produit de cette denrée exactement la même quantité qu’auparavant. Par rapport à notre denrée, la valeur de la monnaie aura monté. Mais consacrant moins d’argent à l’acheter, ceux qui la consomment auront plus d’argent à dépenser ailleurs : de là une hausse de certaines marchandises qui s’étendra peu à peu, par un processus que nous connaissons déjà, à tout le marché. Et ainsi, si nous admettons que cette hausse soit uniforme et qu’elle n’entraîne pas de changements dans la production — c’est là une supposition qui ne s’écarte pas beaucoup de la vérité — , la hausse dans la valeur de la monnaie qui aura eu lieu par rapport à la denrée que nous considérions sera exactement compensée par la baisse que cette même valeur de la monnaie aura subie par rapport à l’ensemble des autres marchandises. En définitive, on ne pourra pas dire que le volume des transactions ait changé ; et la valeur de la monnaie se trouvera être la même qu’auparavant[2].

  1. Il y a sans doute de la monnaie qui dort dans les caisses ou dans les bas de laine. Mais de cette monnaie il est permis de ne pas tenir compte : on verra pour quoi quand nous parlerons de la rapidité de la circulation monétaire.
  2. Cette idée que la variation des prix peut à elle seule modifier la valeur de la monnaie a été exprimée, par exemple, par Arnauné (La monnaie, 1re partie, chap. 2, § 2, iii). Certaines formules de cet auteur, à la vérité, sont de nature à créer de la confusion, et à donner par là le change sur sa véritable pensée. Il dira par exemple (p. 62), en parlant de la baisse des prix qui a eu lieu depuis 1873, et qui est due, d’après lui, aux applications nouvelles de la science à l’industrie : « les effets de cette révolution économique ont été rendus plus sensibles par la cir-