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crises. Le mot est même pris parfois dans un sens encore plus restreint, par respect de étymologie, et par analogie avec le langage de la médecine : on désigne par ce mot cette période — nécessairement assez courte — pendant laquelle les troubles dont nous parlions présentent un caractère tout à fait aigu, et où les phénomènes qui les manifestent, les conséquences qui en résultent se développent, se succèdent avec la plus grande rapidité[1]. La crise, ainsi entendue, se distinguera de la dépression, laquelle représenta un étal de choses temporaire sans doute, mais relativement durable cependant.

Il y a crise, nous venons de le voir, quand un grand nombre de producteurs éprouvent des déceptions. Ce défaut d’équilibre entre l’offre et la de mande par lequel la crise se définit consistera donc en une surproduction. Une certaine sorte de marchandise, par exemple, a été produite en trop grande abondance. Cette marchandise ne pourra pas se vendre à un prix rémunérateur. De là, chez ceux qui la produisent, des ruines, des faillites. Et ces ruines ne manqueront pas d’avoir des répercussions : car chaque industrie, comme l’on dit, fait vivre — dans une mesure plus ou moins grande — d’autres industries, par exemple celles qui lui fournissent ses matières premières ; et ceux qui tombent, en outre, peuvent entraîner dans leur chute tous ceux auprès de qui ils avaient trouvé du crédit.

Il peut y avoir évidemment surproduction dans une industrie ; il peut y avoir surproduction dans un nombre d’industries plus ou moins grand : c’est une question de savoir s’il peut y avoir une surproduction générale[2]. Cette question a été résolue négativement par les économistes classiques. Pour ceux-ci, l’idée d’une surproduction générale est une idée absurde : comment pourrait-il y avoir une trop grande abondance de tous les produits à la fois, puisque les moyens de production dont l’homme dispose sont limités, et que ses besoins sont pratiquement infinis, puisque la distance est si grande qui existe, pour la plupart d’entre nous tout au moins, entre notre richesse et nos désirs ? Il ne saurait jamais y avoir qu’une disproportion entre les différentes productions, une adaptation imparfaite de la production, envisagée dans sa diversité, à la demande, c’est- à-dire aux besoins des individus — ces besoins étant considérés dans leur intensité, mais en tenant compte des ressources de chacun — . À toute sur production

Correspond nécessairement une sous-production. Cette thèse, cependant, a trouvé des contradicteurs. Sismondi a cru qu’il y avait, dans notre société moderne, une surproduction générale et constante ; les progrès de la production, d’après lui, ont été trop rapides, et le revenu de la société ne suffit plus pour acheter les produits. Et une

  1. Cf. la définition de Taylor, rapportée par Pinkus (ouv. cité, chap. 1. 4, p. 116).
  2. Voir là-dessus Landry, L’utilité sociale de la propriété individuelle, §§ 282-290.