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300. Prix normal et prix effectif. — Le prix que nous venons de définir est le prix normal des marchandises ; c’est le prix qui correspond à l’état d’équilibre du marché. Tout autre prix est instable : ces prix en effet ne sauraient se maintenir avec lesquels certains producteurs produisent à perte (1) ; et ces prix non plus ne sauraient se maintenir qui assurent à tous les producteurs des gains exceptionnels (2). Ce prix, au contraire, que nous indiquions tantôt, une fois qu’il sera établi, se maintiendra aussi longtemps que la courbe de la demande et celle de l’offre — autrement dit du coût — ne subiront pas de changement. Mais le prix normal peut différer du prix effectif. Celui-ci gravite perpétuellement vers celui-là ; et il peut très bien se faire qu’il n’arrive jamais à coïncider avec lui : cela lient à ce qu’en fait les conditions du marché — les courbes de la demande d’une part, de l’offre ou du coût de l’autre — se modifient sans cesse.

On a dit que le prix effectif pouvait apparaître comme différent du prix normal lorsqu’on envisageait des moments du temps, ou de courtes périodes, mais que la divergence disparaissait lorsqu’on embrassait du regard des périodes tant soit peu longues. Il est nécessaire ici de bien s’en tendre. Ce qui arrive à l’ordinaire, ce n’est pas que le prix effectif oscille autour d’un prix normal qui, lui, demeurerait constant — en sorte que pour connaître ce prix normal on n’aurait qu’à prendre la moyenne des prix effectifs successifs — . Le prix normal lui-même — nous ne devons pas craindre d’y insister — varie constamment ; et le prix effectif tend vers lui, sans coïncider avec lui que par exception. Les variations du prix normal, au reste, ne sont pas nécessairement de simples fluctuations : car on voit souvent la courbe de la demande, et plus souvent encore celle du coût s’élever on s’abaisser d’une manière continue.

Il est un cas cependant où l’on peut accepter, d’une certaine façon, cette conception qui cherche le prix normal dans la moyenne des prix effectifs. C’est ce cas dans lequel la production ne saurait être réglée parles producteurs. S’agit-il de la fabrication des cotonnades, des souliers, ou ds toute autre industrie analogue ? La quantité produite sera celle que les producteurs auront voulue. Mais prenons des pêcheurs : quand ils partent en mer, ils ne décident pas, ils ne savent pas à l’avance la quantité de poisson qu’ils prendront. Un jour la pêche sera très abondante, un autre jour elle

Nous ne voulons parler ici que de ces pertes qui résultent d’une surproduction ; nous ne voulons pas parler de celles qui peuvent être dues à d’autres causes, comme par exemple à la mauvaise direction des entreprises.

Ce n’est pas ici le lieu de dire ce qu’il faut entendre au juste par cette ex pression de gain exceptionnel, et quels sont les éléments qui composent le coût de production. Nous aurons à nous expliquer là-dessus dans le livre suivant, quand nous traiterons de la rente, de l’intérêt, du salaire et du profit.

Sur cette question, voir Marshall, Principles, liv. V, chap. 3, §§ 6-7, et chap. 5.