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proposition comporte des exceptions : nos observations de tantôt l’établissent. Il n’y a rien d’impossible à ce que le coût s’abaissant, et conséquemment le prix, de certains objets qui satisfont la vanité, ces objets : vendent en moindre quantité. Et l’on a vu aussi qu’une élévation du prix d’une denrée comme le pain pouvait amener une augmentation de la con sommation de cette denrée. Ajoutons qu’une variation dans le prix d’une marchandise peut avoir des effets opposés à ceux qu’on en attendrait normalement — cela du moins au bout d’un certain temps — parce qu’elle modifie les valeurs d’usage de cette marchandise, ou de quelque autre. Quand une marchandise vient à baisser de prix considérablement, des gens qui l’ignoraient apprennent à la connaître, d’autres qui la con naissaient mal sont mis à même de la connaître mieux, et de l’apprécier davantage ; elle devient nécessaire à certains parce qu’ils s’y accoutument. Et quand une marchandise devient trop chère, on peut perdre cette habitude qui la faisait regarder comme nécessaire ; ou l’on peut encore, obligé d’employer en sa place quelque substitut, être conduit à apprécier celui-ci plus qu’on ne l’appréciait auparavant.

Négligeons les cas exceptionnels que nous venons de dire. Tenons-nous en au cas ordinaire, celui où la courbe de la demande ne coupe qu’une fois chaque verticale. Cette courbe nous apparaîtra comme pouvant affecter les formes les plus diverses[1]. On parle ici de l’élasticité plus ou moins grande de la demande. La demande d’une marchandise est dite élastique lorsqu’un abaissement relativement petit du prix entraîne une augmentation notable de la demande effective, de la consommation ; dans le cas contraire, on dit que la demande n’est pas élastique. On remarquera toutefois que lorsqu’on parle de l’élasticité ou de la non-élasticité de la de mande, on suppose un prix établi, et l’on considère ce qui résulterait de variations de ce prix — dans le sens de la baisse, en particulier — qui ne seraient pas extrêmement fortes : on ne s’attache, ainsi, qu’à une certaine portion de la courbe de la demande ; mais cette courbe peut avoir une pente très faible, ou très-forte, dans telle de ses parties, et une pente tout autre dans telle autre partie.

Parmi les biens dont la demande manque d’élasticité se trouvent certains de ces biens qui sont indispensables à tous les hommes, quelle que soit leur fortune. On peut citer comme exemples le sel et le blé. Entre 1890 et 1901, le prix du quarter de blé a varié en Angleterre entre 21 s. 5 d. comme minimum et 36 s. 2 d. comme maximum ; la consommation annuelle par tête d’habitant a eu comme maximum 357 livres, et comme minimum 324 : on voit que les variations de la consommation sont beau coup plus faibles que celles du prix. Des observations qui ont été faites

  1. Voir là-dessus Marshall, Principles, liv. III, chap. 4 (trad. fr., t. I), et Cunynghame, Geometrical political economy, chap. 3.