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ses concurrents par rapport à une certaine clientèle, ou parce que ses produits sont plus appréciés, est en mesure de réaliser des bénéfices qui dépassent le taux normal, il se trouve avoir une certaine latitude pour la fixation de ses prix : et c’est la théorie du prix de monopole, alors, qui nous apprend de quelle façon il sera de son avantage de les fixer.

4. La concurrence bilatérale.

292. Le prix s’y détermine autrement qu’avec le monopole. — Il y a concurrence bilatérale lorsqu’une multiplicité de vendeurs se trouvent en présence d’une multiplicité d’acheteurs, et que, bien entendu, ni d’un côté ni de l’autre il ne se forme de coalition.

En règle générale, la détermination du prix dans le régime de la concurrence bilatérale se fait autrement que dans celui du monoone ou du monopole, quelque soit d’ailleurs le nombre des vendeurs ou des acheteurs. Le petit nombre des vendeurs ou des acheteurs facilite la conclusion d’une entente qui supprimera la concurrence, d’un côté ou de l’autre. Mais du moment que cette entente n’est pas conclue, et que la concurrence s’exerce, le nombre des concurrents, à l’ordinaire, est complètement indifférent. C’est à tort qu’Effertz a formulé comme une loi cette proposition que lorsqu’il n’y avait que peu d’acheteurs, ou peu de vendeurs, les prix se rapprochaient des prix de monoone, ou des prix de monopole[1]. Cournot, de même, s’est trompé lorsqu’il a prétendu démontrer que dans le cas d’un « monopole à deux » un prix s’établissait nécessairement qui était inférieur au prix de monopole véritable, mais qui était supérieur cependant au « prix de concurrence »[2]. Quand il y a, pour un produit donné, deux producteurs, ce produit aura le plus souvent ce prix qui permettra aux producteurs en question d’écouler toute leur marchandise — cela, s’ils n’ont pas à se préoccuper du coût — , ou encore — s’ils ont à se préoccuper du coût — qui permettra de développer la production jusqu’au point où elle cesserait d’être lucrative pour l’un ou pour l’autre ; en d’autres termes, ce produit aura le même prix qu’il aurait si — la courbe de l’offre étant la même — les producteurs étaient 3, 5, 10, 100 au lieu d’être 2. En effet, que l’un de nos deux producteurs commence par adopter un prix supérieur à celui que nous venons de dire, le deuxième producteur, pour lui enlever des clients, offrira sa marchandise à un prix un peu plus bas ; l’autre fera de même à son tour ; et ainsi le prix descendra progressivement, pour s’établir enfin au niveau que nous avons indiqué.

  1. Cf. les Antagonismes économiques, 1re partie, chap. 3, ii, § 1, G.
  2. Voir là-dessus la Revue sommaire des doctrines économiques, 4e section, § 2, pp. 172-174 ; cf. Landry, L’utilité sociale de la propriété individuelle, 8-11.