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2° Il faut, en outre, que le monopoleur connaisse l’estimation que les demandeurs font de ses biens. Or cette condition, souvent, ne pourra pas être remplie ; ou bien elle ne pourra être remplie que d’une manière très imparfaite.

3° Il faut ajouter à ce qui précède que des raisons d’administration, parfois, s’opposent à ce que le monopoleur ail un prix particulier pour chacun du ses clients : tout ce qu’il pourra faire, ce sera d’établir un certain nombre de catégories et d’avoir un certain nombre de prix. Nous ne saurions prendre de meilleur exemple, ici, que celui que nous donnent les tarifs des chemins de fer pour le transport des marchandises. Il n’est pas possible qu’une compagnie de chemins de fer, même laissée libre de taxer à sa guise les marchandises à transporter, fixe une taxe particulière pour chaque expéditeur et pour chaque expédition. Le plus loin qu’elle pourra aller, dans la voie de la diversification des prix par rapport à ses clients, cela consistera à conclure des conventions particulières avec certains gros expéditeurs, conventions qui seront valables pour des périodes plus ou moins longues, de faire en leur faveur des « discriminations ». Pour le commun des expéditeurs, elle devra avoir des tarifs qui s’appliqueront à tous indistinctement. Ce n’est pas à dire d’ailleurs, tant s’en faut, qu’il lui conviendra d’instituer un tarif uniforme pour tous les transports. De quelque façon qu’un tel tarif soit établi, qu’il se proportionne au poids des marchandises ou qu’il se proportionne — ce qui serait préférable pour la compagnie — à la fois au poids et à la valeur, il sera loin de correspondre à l’intérêt de celle-ci. L’intérêt de la compagnie, c’est — pour autant que cela ne risquera pas d’embrouiller et de décourager les expéditeurs, ou de rendre leur tâche trop difficile aux employés — de distinguer des classes parmi les marchandises, et de taxer chaque classe en tenant compte, d’une part de ce que coûte le transport des marchandises de cette classe, d’autre part de l’influence que les tarifs plus ou moins élevés auront sur le trafic de ces marchandises, de manière à lui faire rendre le maximum de ce qu’elle peut donner. Et la compagnie réalisera des bénéfices plus ou moins forts, non seulement selon que les tarifs auront été déterminés avec plus ou moins de bonheur pour les différentes classes de marchandises, mais encore selon la manière plus ou moins habile dont la classification aura été établie.

Dans certains cas où la diversification des prix, au premier abord, parait impossible à cause de l’ignorance où est le monopoleur de l’intensité des besoins des divers demandeurs, un moyen existe de tourner la difficulté : c’est celui qui consiste à établir artificiellement, entre les biens offerts, des différences de qualité, et à fixer pour les sortes de biens ainsi créées des prix qui s’écartent plus les uns des autres que les coûts de ces sortes de biens. Considérons, par exemple, le transport des voyageurs. Tandis que