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Quand on étudie avec soin les œuvres de Ricardo, on peut constater, en premier lieu, qu’il s’est bien gardé de faire du travail, ou du coût de production, la cause de la valeur. Le soin qu’il prend de dire que sa théorie s’applique seulement aux biens multipliables, la façon dont il indique que le coût de production règle les prix, d’autres remarques encore qu’on trouve chez lui montrent assez que si pour lui, a l’ordinaire, les prix sont déterminés par les coûts de production, ce n’est là qu’un fait dérivé. Et d’autre part, dans ces cas où le coût de production détermine le prix, Ricardo sait et dit que ce coût de production est le coût de la plus coûteuse des unités produites ; il sait et il dit que le travail est seulement un des éléments du coût de production, et que pour établir celui-ci, il faut tenir compte encore du temps qui doit s’écouler avant que ces biens pour la production desquels le travail est dépensé puissent être vendus. Ce qui a donné lieu à des interprétations inexactes de la pensée de Ricardo, c’est que, insistant sur les propositions, sur les faits qui pour une raison ou pour une autre lui paraissent particulièrement intéressants, il laisse souvent dans l’ombre, volontairement, d’autres propositions, d’autres faits qui ne lui ont pas échappé, mais auxquels il attribue moins d’importance.

Mais prenons Marx. Si nous étudions sa doctrine dans son ouvrage, et si nous oublions les interprétations trop subtiles par lesquelles des commentateurs trop pieux se sont efforcés — sans succès d’ailleurs — de rendre acceptable sa théorie de la valeur, nous trouverons dans cette théorie les sophismes, les erreurs et les contradictions les plus graves[1].

a) Pour Marx, le travail est, comme nous l’avons indiqué, la cause de la valeur. Les biens valent, ils s’échangent les uns contre les autres en raison de ce qu’ils ont coûté de travail à produire ; pourquoi ? parce qu’un système de valeurs, dit Marx, ne peut se constituer qu’autant qu’il y a dans tous les biens une qualité commune, qui cependant ne soit pas une qualité naturelle, et qui ne soit pas non plus la valeur d’usage ; or la seule qualité commune à toutes les marchandises, ces qualités-là une fois écartées, ce serait d’avoir coûté à produire une somme de travail plus ou moins grande. Mais ce raisonnement n’est aucunement convaincant — Marx n’a point démontré que celle qualité qu’il indique permit seule de constituer un système de valeurs —, et il n’est aucunement explicatif — Marx ne nous fait pas voir comment s’établira cette mesure de la valeur dont il nous parle —.

b) Marx veut que la valeur des biens soit mesurée, non point par le travail que chacun d’eux en particulier a coûté, ni non plus par le travail

  1. Une excellente critique de la théorie marxiste de la valeur est celle qu’a écrite Böhm-Bawerk (Zum Abschluss des Marxschen Systems ; dans les festgaben für Karl Knies, Berlin, Haering, 1896). On trouvera les textes de Marx les plus importants — sur la question de la valeur — dans son Capital, liv. I, chap. 1-3.