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mettra à en produire une plus grande quantité, on détournera vers la production de ce bien du travail et du capital qui étaient employés ailleurs, jusqu’à ce que l’équilibre un instant dérangé se rétablisse.

4o Après Ricardo, on a cherché à perfectionner la théorie qu’il avait émise. C’est ainsi que Carey, par exemple, a remplacé la formule du coût de production par celle du coût de reproduction[1]. Un bien, remarque Carey, se vendra non pas le prix qu’il a coûté à produire, mais le prix qu’il en coûterait pour en produire un semblable. Si une marchandise a coûté 10 francs à produire, et que par suite d’améliorations introduites dans la technique, par exemple, les frais de production aient été abaissés à 5 francs, c’est 5 francs seulement qu’on obtiendra comme prix de cette marchandise. Mais cette observation ne représente par rapport à la théorie de Ricardo qu’une correction sans grande importance ; et on peut même se demander si elle corrige vraiment la théorie de Ricardo ; en effet, un écart entre le coût de production et le coût de reproduction ne saurait exister que d’une manière transitoire, et Ricardo a négligé systématiquement les phénomènes transitoires[2].

5o C’est à la théorie de Ricardo, également, que se rattache jusqu’à un certain point la théorie développée par Marx dans son ouvrage sur le capital. Pour Marx, la valeur a pour cause le travail « incorporé » dans les biens, et pour mesure la quantité de ce travail. Mais le travail est un des éléments qui entrent dans le coût de production ; et il y a bien des passages dans Ricardo où celui-ci semble déterminer le prix normal par le travail que les biens coûtent à produire. On a donc pu avec quelque vraisemblance regarder Marx comme un disciple de Ricardo, et Marx lui-même n’a pas manqué de se réclamer de son illustre devancier.

En réalité, il y a de grandes différences entre les deux théories de Ricardo et de Marx, et la deuxième est beaucoup plus fautive que la première[3].

  1. Voir les Principes de la science sociale, chap. 6 (trad. fr., Paris, Guillaumin, 1861, t. I).
  2. Cf. Marshall, Principles, liv. V, chap. 7, § 5. On a voulu parfois élargir la formule du coût de reproduction. On a dit qu’à côté de la reproduction physique, il y avait la reproduction économique : ce serait la production, non pas d’un bien semblable au bien considéré, mais d’un bien satis faisant le même besoin, et pouvant par là lui servir de substitut, ou encore d’un bien satisfaisant un besoin du même ordre (voir Valenti, Principii di scienza economica. § 165). Mais d’abord il vaudrait mieux parler ici de substitution — et de coût de substitution — que de reproduction économique. Ensuite le coût de substitution, s’il faut l’appeler ainsi, représente seulement une limite supérieure que les prix ne pourront pas dépasser : il ne représente pas, comme le coût de reproduction proprement dit, le prix normal des biens.
  3. Sur les erreurs qui ont cours au sujet de la théorie de Ricardo, et sur la vraie signification de cette théorie, voir Marshall, Principles, liv. V, chap. 14, note finale.