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Mais il y a plus à dire contre la « loi de l’offre et de la demande ». Ceux qui ont parlé de cette loi mesurent l’offre et la demande par la quantité des biens offerts ou demandés. Dès lors, par rapport à l’offre, il sera possible d’admettre dans un certain cas — sous réserve de l’observation formulée tantôt — la « loi » que nous discutons. Les vendeurs qui viennent avec leurs marchandises sur un marché, parfois, sont obligés de se débarrasser de ces marchandises à n’importe quel prix ; c’est-à-dire qu’il leur est plus avantageux de les céder même au prix le plus bas, que de ne pas les vendre. Dans des cas pareils il sera vrai que, toutes choses égales d’ailleurs, les prix varient en sens inverse de l’offre — entendue comme on vient de voir —. Mais d’autres fois les vendeurs ne seront pas disposés à vendre à n’importe quel prix : si bien que l’on pourra voir la quantité offerte augmenter, et le prix monter cependant. Et pour ce qui est de la demande, presque jamais il n’arrivera qu’elle puisse être mesurée par une certaine quantité de marchandises : car les demandeurs seront plus ou moins nombreux sur le marché, et chacun d’eux demandera plus ou moins de marchandise, précisément selon le prix qu’il faudra payer.

2° On a écrit souvent que la valeur résultait à la fois de l’utilité et de la rareté. Un bien utile, mats qui est très abondant, n’a point de valeur ; une chose rare, mais sans utilité, n’a point de valeur non plus — à moins qu’on n’en recherche la possession pour se distinguer des autres et satisfaire ainsi sa vanité ; mais dans ce cas le bien en question, d’une certaine manière, devient « utile » — ; une chose qui est en même temps utile et rare aura une valeur, et cette valeur sera d’autant plus grande que cette chose sera plus utile, ou plus rare.

On aperçoit sans peine les rapprochement qui peuvent être faits entre cette théorie et la précédente, les rapports qui existent d’une part entre l’offre et la rareté des biens, d’autre part entre la demande et l’utilité. Mais le point de vue où l’on se place quand on explique la valeur par l’utilité et la rareté est assez différent de celui où l’on se place quand on considère l’offre et la demande. Interprétée, même, d’une certaine façon, la théorie de l’utilité et de la rareté apparaîtrait [comme une théorie subjective : car elle attire notre attention sur les raisons psychologiques qui font qu’il se trouve des gens pour payer les biens un certain prix, pour les payer un prix plus ou moins élevé. Toutefois, les auteurs qui ont parlé de l’utilité et de la rareté des biens comme de la double source de la valeur sont demeurés, par leur façon de voir et de présenter les choses, des objectivistes.

Le premier reproche que l’on doit adresser à ces auteurs, c’est de s’être contentés d’une conception très sommaire et très vague. La valeur, disent-ils, naît de l’utilité et de la rareté. Pas plus que la « loi » de l’offre et delà demande, cette formule ne nous permet de comprendre comment la valeur d’un bien donné s’établira ; et cela, tout d’abord,’parce qu’elle ne nous en