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nomènes économiques — des prix qui s’établissent pour les biens — ; elle n’est pas un principe d’explication.

Passons à la valeur d’usage subjective, ou valeur tout court. Malgré les explications que les économistes autrichiens nous ont fournies sur celle notion, il y a lieu d’émettre des doutes sur l’importance de la réalité à laquelle elle correspond, et plus encore sur l’importance du rôle qu’elle a à jouer dans la science économique.

À quelle réalité, au juste, la notion autrichienne de la valeur d’usage subjective correspond-elle ? Pour un individu qui a de l’eau en grande abondance, l’eau, assure-t-on, n’a aucune valeur. Qu’est-ce à dire ? Entend-on que cet individu ne fera aucun cas de l’eau qu’il a à sa disposition, qu’il n’en verra pas ou du moins qu’il n’en sentira pas — si l’on peut ainsi parler — l’utilité ? Cela peut arriver. Beaucoup de gens ne penseront pas, ayant de l’eau à discrétion, qu’il leur est indispensable d’avoir de l’eau ; leur attention se portera plutôt sur les moins utiles des services que leur rend cette eau dont ils peuvent disposer. Et il faut tenir compte encore, ici, de l’influence qu’a sur notre estimation des biens la considération de leur coût. C’est l’utilité des biens, tout d’abord, qui nous les fait acheter ; mais par un renversement qui psychologiquement n’a rien de surprenant, on en vient, dans une certaine mesure, à juger de l’utilité des biens par leur coût. De certaines gens, très sincèrement et en dehors de toute pensée de vanité, sont portés à rechercher de préférence ce qui coûte plus cher. Plus fréquemment encore — car ici l’erreur ne nous est pas dommageable — on estimera trop bas l’utilité des choses qui coûtent peu ou qui ne coûtent rien. Pour les raisons qu’on vient de voir, l’illusion sera fréquente qui réduira l’utilité des biens à leur utilité-limite. Mais ce n’est là qu’une illusion, et qui n’est pas universelle.

De ce qui précède, il résulte que la théorie des Autrichiens sur la valeur d’usage subjective, contrairement à ce qu’ils ont cru, ne nous aide aucunement, ou peu s’en faut, à comprendre comment se déterminent les échanges.

Soit, en premier lieu, un individu qui possède n unités d’un certain bien ; l’utilité-limite est a. Supposons qu’on propose à cet individu de lui acheter tout ce qu’il a du bien en question : qu’est-ce qu’il exigera en échange ? non pas, certes un bien ayant pour lui une utilité an, mais un bien ayant une utilité égale à celle qu’il céderait, et qui est supérieure à an.

Imaginons maintenant un individu qui veuille acheter n unités d’un certain bien. L’utilité-limite serait a. Cela signifie-t-il que notre individu ne donnera pour ces n unités qu’une somme correspondant à an ? Si pour telle ou telle raison il est obligé d’acheter ces n unités en bloc, ou encore si le vendeur est en mesure de demander un prix différent de chacune