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possède n unités d’un certain bien. Employant ces unités au mieux, la moins utile d’entre elles aura une utilité a. L’unité du bien en question, dès lors, aura une valeur égale à a, c’est-à-dire à l’utilité marginale. Car si nous prenons un bien qui soit pareil à lui-même dans toutes ses parties, c’est l’utilité a que notre individu perdra s’il lui faut perdre une unité parmi celles qu’il a. Et les unités étant interchangeables, la valeur totale de ce qu’il possède de ce bien sera égale à an. S’agit-il, maintenant, pour un individu d’acquérir une quantité donnée d’un certain bien ? Pour connaître la valeur de cette quantité, il faudra connaître l’utilité limite qu’elle aura, en tenant compte de ce que notre individu possède déjà du bien en question. En somme, la valeur d’une quantité donnée d’un bien est déterminée par l’utilité-limite de ce bien ; elle est égale à cette utilité-limite multipliée par le nombre de fois que la quantité considérée contient l’unité à laquelle l’utilité-limite se rapporte.

Voilà ce que l’école autrichienne entend par la valeur d’usage subjective ou valeur au sens étroit du mot. De cette valeur elle distingue parfois l’appréciation de la valeur[1], laquelle dépend de la richesse plus ou moins grande des individus. Supposons deux individus qui se présentent sur un marché pour acheter une certaine marchandise : l’utilité-limite, la valeur, par conséquent, d’une quantité déterminée de celle marchandise pourra être la même pour nos deux individus ; mais si l’un est plus riche que l’autre, il lui sera possible de donner plus d’argent pour obtenir la quantité en question, et il sera disposé à le faire ; il mesurera par une somme d’argent plus forte cette même valeur que l’autre acheteur mesure par une somme moindre.

277. Critique. — Que devons-nous penser des quatre concepts autrichiens de la valeur ? Tout d’abord, nous écarterons les deux concepts de la valeur d’usage objective et de la valeur d’échange subjective. Le concept de la valeur d’usage objective n’est point un concept qui appartienne à l’économique : que le bois à brûler chauffe quand on le brûle, que la machine à vapeur produise de la force quand on la fait marcher, ce ne sont point là des faits économiques. Quant au concept de la valeur d’échange subjective, c’est sans doute un concept d’ordre économique. Mais c’est un concept dérivé ; car il n’a de sens qu’autant qu’on suppose une valeur d’échange objective pour les biens auxquels on l’applique, et qu’on suppose une valeur d’usage subjective pour les biens contre lesquels ceux-là s’échangeront. Et de plus — c’est une conséquence de ce que nous venons de dire —, ce concept n’aura qu’un bien petit rôle à jouer dans la science économique : la valeur d’échange subjective résulte de certains phé-

  1. En allemand Wertschützung. Sur cette distinction, voir en particulier Zuckerhandl, Zur Theorie des Preises (1889).