Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/493

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En combinant les deux distinctions ci-dessus, l’école autrichienne construit les quatre concepts différents de la valeur que voici.

1° La valeur d’usage subjective. C’est l’importance que les biens ont par eux-mêmes, d’une manière immédiate, pour notre bien-être.

2° La valeur d’échange subjective. C’est l’importance que les biens ont pour notre bien-être, en tant que nous pouvons les échanger, et, les échangeant, nous procurer de certains autres biens.

3° La valeur d’usage objective. C’est la propriété que les biens possèdent de servir à des fins qui nous sont utiles, ou que nous jugeons telles : ainsi la valeur d’usage objective du bois à brûler, c’est la propriété qu’il a, quand on le brûle, de nous chauffer ; la valeur d’usage objective d’une machine à vapeur consiste en ce qu’elle produit de la force.

4° La valeur d’échange objective. C’est la valeur d’échange, au sens usuel de l’expression.

À côté de la valeur d’échange subjective et de la valeur d’échange objective, les économistes autrichiens mettent encore, parfois, une valeur de rapport subjective et une valeur de rapport objective : il y a des biens, en effet, dont la possession nous assure des revenus — nous donnons à ce mot sa signification la plus large — ; et ces revenus peuvent être envisagés soit à un point de vue subjectif — comme ayant une importance pour notre bien-être — , soit à un point de vue objectif.

Arrêtons-nous un peu sur le concept de la valeur d’usage subjective, et voyons exactement ce qu’il représente. Aussi bien la détermination de ce concept est un des points principaux sur lesquels les économistes autrichiens se sont flattés d’avoir perfectionné la théorie de la valeur, et l’importance de la place qu’ils lui donnent dans leurs spéculations est suffisamment indiquée par le fait que lorsqu’ils emploient le mot « valeur » tout seul, c’est cette valeur d’usage subjective qu’ils désignent par ce mot.

La valeur d’usage subjective, ou valeur au sens étroit du mot, c’est, pour les Autrichiens, quelque chose d’autre que la valeur d’usage classique, ou, pour parler comme on fait souvent, que l’utilité. Des biens dont l’utilité est relativement faible pourront avoir une valeur assez élevée. Des biens, au contraire, très utiles, indispensables même, pourront n’avoir aucune valeur. Pour celui qui a soif, un verre d’eau a partout la même utilité, qui est très grande : la valeur de ce verre d’eau, cependant, ne sera grande que si notre individu se trouve dans un endroit où l’eau manque ; s’il se trouve près d’une rivière ou d’une fontaine, et qu’il ait à sa disposition beaucoup plus d’eau qu’il ne lui en faut pour étancher sa soif et pour tous ces autres besoins que l’eau sert à satisfaire, alors le verre d’eau en question n’aura plus aucune valeur.

Ainsi la valeur des biens dépend de la quantité de ces biens que nous possédons, que nous avons à notre disposition. Un individu, par exemple,