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rieux, dit-on, que les gens préfèrent la mauvaise monnaie à la bonne, alors que pour tous les autres biens il en va autrement ? Et l’on explique le paradoxe en montrant que la monnaie est un bien qui diffère des autres, puisqu’il est destiné à circuler, puisqu’on le recherche afin d’en acheter des biens, et par suite de le céder, et non pas dans l’intention de le garder. Mais peut-être ces réflexions ne sont-elles pas de mise : car la loi de Gresham ne dit pas que l’on recherche la mauvaise monnaie de préférence à la bonne, elle dit quelque chose de très différent, à savoir que la mauvaise monnaie continue à circuler, tandis que la bonne cesse de le faire.

La loi de Gresham a eu son application, jadis, même à l’intérieur des économies nationales. Au temps où l’on thésaurisait, les gens mettaient plus volontiers de côté des pièces de bon aloi que des pièces de mauvais aloi, des pièces fortes ou droites que des pièces faibles : ainsi les pièces de mauvais aloi, ou faibles, circulaient plus que les autres, ou même circulaient seules. Aujourd’hui que l’on ne thésaurise plus beaucoup, la loi de Gresham ne se vérifie plus guère qu’en suite des relations commerciales que les nations ont entre elles. Ajoutons que cette loi — puisqu’on l’appelle ainsi — est très loin d’être universelle. La France, par exemple, a une monnaie d’or, une monnaie d’argent et une monnaie de papier ; les pièces d’argent de 5 francs, les billets de la Banque de France ont cours légal illimité ; eh bien, quoique l’argent soit déprécié et que les billets de banque, par eux-mêmes, n’aient aucune valeur, nous ne voyons pas que notre or s’en aille à l’étranger. Ce n’est que dans certains cas qu’un pays, possédant par exemple deux monnaies dont l’une a une valeur intrinsèque inférieure à sa valeur nominale, perdra celle de ces monnaies qui est, comme l’on dit, la meilleure.

1° Un pays peut perdre sa « bonne » monnaie parce qu’il laisse frapper librement un métal déprécié. C’est un cas que nous avons étudié quand nous avons traité du bimétallisme.

2° Un pays peut perdre sa bonne monnaie parce qu’il a trop de monnaie. Si dans un pays on émet de la monnaie de papier en trop grande quantité, nous savons qu’il en résultera une hausse des prix, que l’importation en sera encouragée, et que, la monnaie de métal se faisant seule recevoir à l’étranger, cette monnaie de métal s’en ira.

3° Un pays peut perdre sa bonne monnaie parce que, à un moment donné, il se met à importer plus qu’il n’exporte. Les importateurs en effet, pour s’acquitter, auront intérêt à donner la bonne monnaie plutôt que celle qui est dépréciée, ou qui pour les étrangers n’a par elle-même aucune valeur.