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se heurtera, si on veut le leur faire jouer, à de grosses difficultés. S’agit-il des titres de propriété ? Il faut savoir comment on déterminera la valeur qui leur sera assignée ; et il y a une autre difficulté encore, très grave à la vérité, qui est que les titres de propriété, ne représentant pas toujours, tant s’en faut, une valeur immédiatement réalisable, n’inspireront pas assez de confiance — cela du moins est à craindre — pour qu’on puisse les faire circuler comme une monnaie. S’agit-il des litres de crédit ? La circulation de certains d’entre eux donnera lieu à des fraudes qu’on aura beaucoup de peine à combattre.

Néanmoins, il est à croire que la circulation des substituts de la monnaie deviendra dans l’avenir beaucoup plus considérable qu’elle n’est aujourd’hui. L’usage du chèque, par exemple, se généralisera par tous pays, dans les classes aisées, comme il s’est généralisé en Angleterre. L’emploi des substituts de la monnaie sera mis à la portée déclasses qui dans la plupart des pays, jusqu’à ces derniers temps, n’en ont point usé. Il faut signaler, à ce propos, l’intéressante organisation de la Caisse d’épargne postale autrichienne[1]. Celle-ci rend à ses déposants à peu près tous les offices que les banques rendent à ceux de leurs clients qui ont chez elles des dépôts : elle délivre des chèques depuis 1883, elle fait des virements. En 1899, les mouvements de caisse, pour ces services, atteignaient 4,7 milliards de florins ; là-dessus, il était fait pour 1,7 milliard de florins de paiements sans le secours de la monnaie. Toutefois l’importance des dépôts, qui sont en moyenne de 2.782 florins, indique que ce sont surtout des gens aisés, pour l’instant, qui utilisent l’institution.

267. Des projets tendant à l’élimination complète de la monnaie. — On n’a pas manqué de faire des projets pour éliminer complètement la monnaie, tout au moins dans les échanges et les paiements qui ne sont pas internationaux. Le plus digne d’attention, parmi ces projets, parait être celui du « comptabilisme social »[2]. D’après ce projet, chacun recevrait un carnet de comptes, avec une feuille de crédit — le montant de ce crédit étant déterminé par les garanties sûres de toute nature qu’il serait en mesure de fournir — et une feuille de débit. Il pourrait y avoir aussi des timbres de crédit mobiles, pour effectuer les paiements à distance.

  1. Cette organisation a fait l’objet d’une étude de Denis, Le service des chèques et virements à la Caisse d’épargne postale de l’Empire d’Autriche, dans les Annales de l’Institut des sciences sociales de Bruxelles, 1896. Voir aussi dans le Handwörterbuch d. S., au t. VI, l’article Postsparkassen, par Fischer, § 7, et dans le Wörterbuch der Volkswirtschaft, au t. I, l’article Giroverkehr, par Schanz, 4, a : ce dernier article nous apprend qu’en 1905 le nombre des personnes ayant un compte au service des chèques de la Caisse postale était de 67.804, et que le mouvement de caisse, dans cette année, s’est élevé à 16.222 millions de couronnes.
  2. Voir Le comptabilisme social, par Solvay, dans les Annales de l’Institut des sciences sociales de Bruxelles, 1806.