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collectivité, que l’émission des billets soit surveillée, réglementée par l’État, le mieux ne sera-t-il pas que cette émission lui soit entièrement confiée ? Les arguments que l’on expose là-contre, pour la plupart, ne valent guère que par rapport à certains pays politiquement arriérés : on dit, par exemple, que l’État est incapable d’administrer sagement ses intérêts ; on dit que son crédit peut être moindre que celui dont jouira une institution privée. Un argument, cependant, qui a une portée plus générale, c’est qu’en cas de guerre l’ennemi vainqueur ne se ferait pas scrupule de mettre la main sur les réserves d’une banque d’État, alors qu’il serait obligé de respecter celles d’une banque privée. On représente, encore, que dans les services publics productifs on a une tendance fâcheuse à méconnaître les intérêts véritables de cette collectivité que l’État représente, à confondre tes intérêts avec les intérêts financiers de l’État, ou à les subordonner à ceux-ci — cette tendance toutefois, en mettant les choses au pis, ne fera rien de plus que de diminuer l’un des avantages que nous avons reconnus au système de la banque d’État —.

La Russie a une banque d’État ; mais dans tous les autres grands pays les banques d’émission sont constituées par actions.

259. Centralisation ou décentralisation des banques. — Vaut-il mieux avoir, dans un pays, une banque d’émission, ou plusieurs banques ? Les uns se prononcent en faveur du système de la centralisation des banques, tandis que d’autres opinent en faveur du système de la décentralisation.

Une banque unique est en mesure d’embrasser d’un coup d’œil l’état économique du pays tout entier ; exerçant seule, sur la marche des affaires, l’influence que confère la faculté d’émettre des billets, cette marche des affaires sera plus régulière ; il faut ajouter que, avec une banque d’émission unique, la confiance du public dans les billets sera plus grande : car s’il est facile au public de connaître la situation d’une banque, il lui est difficile de connaître celle d’une multiplicité de banques ; et si les banques d’émission sont trop nombreuses, il devra accepter leur papier, souvent, sans rien savoir de ce que valent les signatures qui sont apposées sur ce papier.

Les partisans de la décentralisation des banques d’émission invoquent la connaissance plus parfaite que des banques locales auront des conditions économiques propres de chaque région. Mais leur opinion perd du terrain, à mesure que la solidarité nationale se fortifie, dans chaque pays, au point de vue économique : il ne faut pas oublier en effet que la fonction de l’émission des billets, à la différence de certaines autres, intéresse à un très haut degré l’économie nationale en tant que telle, et que par là la question des banques d’émission apparaît tout autre que celle des banques d’affaires.