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la monnaie réelle, afin d’empêcher à jamais le retour des abus dont on s’était tant plaint sous l’ancienne monarchie. Elle décrétait, d’autre part, la frappe libre des deux métaux, et par les poids qu’elle donnait aux pièces d’or et de l’argent, établissait entre les deux monnaies le rapport 15,5 à 1. Nous avons dit quelque chose des conséquences que ce régime bimétalliste eut pour la circulation monétaire de la France au cours du XIXe siècle. Des phénomènes analogues à ceux qui se produisirent en France eurent lieu dans les pays voisins qui avaient adopté le même système monétaire, en Belgique, en Suisse, en Italie. Successivement, entre 1800 et 1866, ces différents pays durent, pour arrêter la fuite de la monnaie d’argent, diminuer le titre des pièces d’argent divisionnaires tout au moins ; à la même époque — en 1865 — ils formaient l’Union latine — à laquelle la Grèce devait adhérer en 1868 — pour harmoniser leurs systèmes monétaires, et régler toutes les questions relatives à la fabrication et à la circulation de leurs monnaies.

Un nouveau changement dans le rapport des métaux, cependant, devait bientôt faire craindre la fuite de la monnaie d’or[1]. On songea à abandonner le bimétallisme. La guerre de 1870 empêcha pendant quelques année ? qu’on donnât suite à ce projet. Mais en 1873, la Belgique et la France limitaient la frappe de l’argent ; en 1876, les mêmes pays l’arrêtaient, et en 1878 cette mesure, par une convention, était étendue aux autres États de l’Union ; les États s’engageaient même à ne plus frapper pour eux de pièces de 5 francs nouvelles en argent. L’Union latine tout entière passait ainsi du bimétallisme à un régime tout autre, que l’on a appelé de diverses façons, mais qui, nous l’avons vu, est en réalité un monométallisme-or.

Aux États-Unis, le bimétallisme est demeuré longtemps en vigueur ; aboli, il a eu des retours offensifs, et il était, il y a quelques années encore, une plate-forme pour les luttes politiques. Cette puissance du bimétallisme aux États-Unis s’explique avant tout par le fait que les États-Unis produisent une très grande quantité d’argent. L’adoption générale du bimétallisme, relevant ou du moins soutenant le cours de l’argent, pourrait leur être avantageuse. Quant à l’adoption ou au maintien du bimétallisme dans les États-Unis seuls, ils sont pour servir dans ce pays les intérêts particuliers des producteurs d’argent. Et ceux-ci trouveront des auxiliaires

  1. Pour l’histoire du rapport des deux métaux, consulter les Aperçus statistiques internationaux, tableau 199. L’or valait 10 à 11 fois l’argent vers 1500, 15 fois environ deux siècles plus tard, 15, 83 fois dans la période 1841-50, 15, 19 lois en 1859, 15, 57 fois en 1871, 39, 15 fois en 1902, 35, 70 fois en 1904. La valeur de l’argent a baissé beaucoup, comme on peut voir, entre 1857 et 1902 ; depuis lors, elle s’est relevée d’une manière à peu près continue. Le prix de l’argent, qui était en décembre 1902, sur le marché de Londres, de 24 d. 1/16. 4 ans après atteignait 32 d. 3/8 (cf. Raffalovich, Le marché financier, 1906-07, Paris, Guillaumin, 1907, p. 780.