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Comment faut-il concevoir les progrès futurs de l’économique ? Si nous regardons dans le passé, nous constatons que bien rarement les économistes ont introduit des idées, ont posé des questions vraiment nouvelles. Les théories dont la paternité est attribuée à tel ou tel auteur, on peut presque toujours les découvrir ou indiquées d’une manière sommaire par des auteurs antérieurs, ou impliquées en quelque façon dans des théories déjà exposées. Le plus souvent, ces économistes qu’on tient pour des inventeurs n’ont fait que porter une attention plus soutenue, que jeter un regard plus pénétrant sur des faits que d’autres avant eux avaient connus, ou qu’approfondir des notions banales.

L’économique, en cela, est très différente des sciences physiques, par exemple, ou des sciences biologiques. Ces dernières sciences découvrent des phénomènes, atteignent des éléments qui échappent à la connaissance vulgaire. La physique a découvert ainsi que cette force qui se manifeste aux yeux de tous quand la foudre éclate, ou quand un morceau d’ambre frotté attire des corps légers, l’électricité, est présente dans tout l’univers matériel ; elle a découvert des rayons lumineux dont personne ne soupçonnait l’existence ; que l’on pense, encore, aux investigations des biologistes pénétrant dans les mystères de la vie cellulaire. Les sciences de la nature, d’autre part, trouvent pour des phénomènes connus des explications dont il était impossible qu’on eût le soupçon, parce qu’elles rattachent ces phénomènes à d’autres phénomènes inconnus, ou difficilement observables : ainsi en ce moment on croit trouver la cause du crétinisme dans le fonctionnement défectueux du corps thyroïde.

Les faits économiques, à la différence des faits physiques ou biologiques, ne comportent pas une analyse indéfinie. Les éléments derniers auxquels on peut les ramener, ce sont des faits psychologiques, techniques, juridiques que nous connaissons bien, qui nous sont du moins facilement accessibles. Ce sont là, disons-nous, les éléments derniers. Ce n’est pas que ces éléments ne puissent être décomposés à leur tour par l’analyse ; mais alors on entrerait dans des recherches tout à fait étrangères à l’économique, et qui, à quelque résultat qu’elles doivent aboutir, n’aideront jamais à prévoir les faits économiques. Mettons que pour expliquer l’intérêt du capital il faille recourir à cette vérité d’ordre technique que certains allongements des processus productifs accroissent la production. L’économique, on s’en convaincra sans peine, n’a nul besoin qu’on remonte plus haut, qu’on recherche pourquoi, en adoptant des processus productifs plus longs, on obtient une plus grande abondance de produit.

Ainsi l’analyse de la réalité économique ne nous conduira jamais à des faits insoupçonnés : et c’est pourquoi les découvertes de l’économique ne sauraient avoir le caractère de ces découvertes que font chaque jour certaines autres sciences. Ce que nous disons d’ailleurs ici de l’économique est