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C’est une question, toutefois, de savoir si la double mobilisation de la valeur dont nous venons de parler doit prendre place parmi les fonctions de la monnaie, ou si l’on doit voir en elle une conséquence de l’emploi de la monnaie. Mieux que cela. On peut dire proprement de la monnaie qu’elle sert d’intermédiaire dans les échanges ; on peut dire, proprement, qu’elle sert de mesure pour les valeurs ; il s’agit bien là de fonctions qu’elle remplit. Mais quand on dit qu’elle mobilise la valeur, n’est-ce pas simplement une façon de s’exprimer ? Le propriétaire foncier qui vend son champ ne retire pas véritablement la valeur de celui-ci ; cette valeur reste attachée au champ ; il a échangé son champ contre un autre bien — la monnaie — qui est mobile, lui, et dont la valeur, par suite, est mobile aussi.

Continuons à voir dans la mobilisation de la valeur une des fonctions de la monnaie. Nous devrons remarquer, pour en finir avec nos observations sur ces fonctions, qu’elles peuvent être remplies, et qu’elles ont été rem plies parfois dans l’histoire, chacune par une sorte particulière de biens. Dans la Grèce héroïque, le bétail servait pour la mesure de la valeur, les métaux, l’or notamment, pour l’accumulation de la richesse — pour la thésaurisation — ; l’une et l’autre sorte de biens, vraisemblablement, étaient employés comme intermédiaires des échanges. On a quelque chose de semblable lorsque, deux métaux étant employés simultanément comme moyens d’échange, un de ces métaux seulement sert de mesure de la valeur : ainsi en Angleterre, vers la fin du XVIIe siècle, l’argent seul mesurait la valeur, et l’or était accepté pour les paiements selon le rapport de sa valeur à celle de l’argent.

232. Conséquences de l’emploi de la monnaie. — Faut-il, maintenant, essayer d’exposer les effets multiples qu’a eus l’introduction de la monnaie ? C’est un sujet dont nombre d’auteurs se sont occupés — des sociologues, des économistes — tout au moins à des points de vue particuliers[1], et qui est fait certainement pour retenir l’attention. Mais il est difficile d’embrasser toute la matière, et surtout de la traiter d’une manière systématique, parce que les conséquences de l’emploi de la monnaie sont extrêmement nombreuses et diverses, parce que, parmi ces conséquences, il en est qui sont directes et il en est qui sont indirectes — plus ou moins d’ailleurs —, enfin parce que nous avons affaire ici à des phénomènes qui ne se présentent pas à nous comme juxtaposés, mais qui, souvent, se conditionnent ou se déterminent les uns les autres. Nous nous bornerons à quelques indications très sommaires.

1o L’introduction de la monnaie a modifié d’une façon très importante ce qu’on peut appeler la psychologie économique des hommes. Dans une

  1. Voir Schmoller, Grundriss, § 169 (trad. fr., t. III), Tarde, Psychologie économique, liv. I, chap. 6, v-viii (t. I), Simmel, Philosophie des Geldes, Leipzig, Duncker et Humblot, 1900.